‘’Chitoumou’’ rime généralement avec la culture bôbô. Ainsi Bobo-Dioulasso se présente comme le fief de la commercialisation de cette chenille comestible. Les premiers ‘’Chitoumou’’ apparaissent sur le marché bobolais chaque année à partir du mois de juillet. Cette année 2025, les consommateurs bobolais en consomment déjà. Ils pensent à une ‘’cueillette’’ de ces ‘’poissons de l’arbre’’ comme certains l’appellent, dans les environs de Bobo-Dioulasso. Mais certaines vendeuses de ce début de saison 2025, disent importer pour le moment, le ‘’Chitoumou’’ de la Côte d’Ivoire, du Mali et de certaines localités frontalières comme Niangoloko en attendant le ‘’Chitoumou’’ bobolais. Ce qui explique d’ailleurs les prix encore élevés des chenilles de karité. Un tour au sein de ces vendeuses dans la matinée du vendredi 18 juillet 2025, a permis à une équipe de Ouest info de s’imprégner des réalités de ce commerce saisonnier.
Assise à l’ombre d’un petit parasol, elle surveille de près ses tas de chenilles soigneusement disposés devant elle. Dans son périmètre, les boîtes se remplissent et se vident au rythme des rares clients qui négocient, goûtent parfois, avant de repartir avec leur marchandise.
Elle, c’est Mariam Bengaly, vendeuse de ‘’Chitoumou’’au secteur 21 de Bobo-Dioulasso. Pour un début de saison, elle trouve le marché morose. Une situation que cette vendeuse explique par le prix qui reste encore élevé. « La boîte est à 2000 FCFA chez moi. On voit que c’est encore cher pour beaucoup de consommateurs. Ce qui fait que je n’ai pour le moment pas trop de clients. Mais je m’en sors quand même », nous confie dame Bengaly.

Face à la rareté des clients, Mariam Bengaly se voit faire face à une autre difficulté. Celle de la conservation des chenilles de karité. Une tâche vraisemblablement délicate selon la vendeuse. Néanmoins, cette dernière a sa petite formule à elle. « Pour conserver mon stock, je le fais sécher après l’avoir bouilli pour ne pas qu’il se gâte. Mais je ne garde jamais un stock plus de trois jours. Quand mon stock du jour finit, je me réapprovisionne le soir pour le lendemain. Ce que nous vendons actuellement nous vient de la Côte d’Ivoire. Les chenilles qu’on trouve dans la localité de Bobo ne sont pour la plupart pas encore comestibles » affirme Mariam Bengaly
Awa Drabo est une autre vendeuse de ’’Chitoumou’’. Cela fait dix (10) ans qu’elle excelle dans cette activité saisonnière. Sa marchandise exposée sous un arbre aux abords du petit marché du secteur 21, la jeune dame trouve lent, le marché de cette année. Ce qui est dû selon elle, à la rareté du ‘’Chitoumou’’ et à son coût élevé. « Par rapport aux années antérieures, je dirai que le marché est morose parce que les chenilles de karité ne sont pas totalement disponibles. Ce qui entraine la cherté des prix et la rareté des clients. Actuellement la boîte fait 2500 FCFA chez moi. Et les clients trouvent ce prix encore élevé », précise-t-elle.
Comme Mariam Bengaly, Awa Drabo aussi fait face un problème de conservation de son stock de ‘’Chitoumou’’ qu’elle vend au compte-gouttes. « Le ‘’Chitoumou’’ que je vends actuellement ne vient pas de Bobo-Dioulasso, mais de Niangoloko et du Mali. Pour éviter que ça se gâte à cause de la rareté des clients, j’étale mon stock restant chaque soir. Le matin, je le passe à la vapeur avant d’aller vendre. Cette technique de conservation permet à des clients venus de loin d’en acheter et de les garder pour les ramener chez eux sans que ça ne se gâte », raconte Awa Drabo.
Attirée par la vente du ‘’Chitoumou’’, Aminatou Barro est à sa première année d’expérience. Installée aux abords du marché des fruits et légumes de Bobo-Dioulasso. Selon elle, le prix d’une boîte varie d’une vendeuse à une autre. Elle-aussi, face aux mêmes problème de disponibilité du produit, de manque de clients et de difficulté de conservation. « J’ai commencé à vendre les chenilles de karité qui me viennent pour le moment de Ouangologo en république de Côte d’Ivoire. Il n’y a pas de prix fixe actuellement. Je vends actuellement la boîte à 1750 FCFA. Chaque soir, j’étale le reste la nuit et le lendemain, je mets assez de potasse dans de l’eau et j’y mets les chenilles afin de bien les conserver. Ainsi, on peut les garder pendant longtemps sans qu’elles ne perdent leur saveur », fait-elle savoir.

Si certaines vendeuses se sont lancées dans la commercialisation des chenilles de karité par pur profit, c’est bien plus qu’une passion pour d’autres. C’est le cas de Korotimi Ouattara initiée au commerce des chenilles de karité depuis son bas âge par sa grand-mère. Au-delà du profit, Korotimi Ouattara pratique l’activité par amour. « Les chenilles de karité se font encore rare. C’est pourquoi les prix sont toujours élevés. Aujourd’hui par exemple, je vends la boîte à 2000 FCFA sans bénéfice. Je fais cela souvent pour ne pas les conserver longtemps et les voir se gâter », explique Korotimi Ouattara.
Connaissant très bien les bonnes périodes de commercialisation des chenilles de karité, Korotimi Ouattara attend le bon moment pour rattraper ses pertes. « Avec le temps, le prix peut diminuer jusqu’à 750 FCFA la boîte. En ce moment, le bénéfice sur chaque boite est nettement meilleur. On arrive à se faire des bénéfices entre 100 et 250 FCFA. Les chenilles de karité que je vends actuellement me viennent de Niangoloko. Quand je n’arrive pas à vendre un stock entier en un jour, je mets le reste à la vapeur dès que je rentre chez moi. Comme ça, j’arrive à bien les conserver et à pouvoir les vendre le lendemain sans souci », Korotimi Ouattara détaille les contours de la vente du ‘’Chitoumou’’.
Le ‘’Chitoumou’’ au-delà d’une habitude alimentaire, est une des identités remarquables de la culture bôbô et de la ville de Bobo-Dioulasso. Autrefois prisé par les bôbô, le ‘’Chitoumou’’ comme plat est à la conquête des autres localités du Burkina Faso et du monde. Ainsi le produit se fait rare et constitue une activité économique saisonnière bien rentable à Bobo-Dioulasso
Ackim Traoré, Aïchata Ouattara & Dofinitessan Kini/ (stagiaires) Ouest Info