Il est Conteur-comédien, entrepreneur culturel et promoteur du Festival International des Arts de la Scène et des Savoirs Endogènes (FIASSE). Dans cette interview, François Moïse Bamba parle de la place et du rôle du conte dans la société africaine. L’avenir du conte, ses projets personnels ont entre autres, été évoqués ! Lisez plutôt !
Ouest Info : Quelle place le conte a-t-il joué ou joue en Afrique et au Burkina Faso en particulier ?
François Moïse Bamba: Le conte en Afrique, je devrais dire : (ziromi-ziri, kaksé, solomdé dans certaines de nos langues) a toujours joué et joue toujours pour ceux qui en garde ces valeurs d’avant, un rôle d’éducation, d’enseignement, de renseignement, d’orientation, de prévention, de mise en garde et de solutions à différents sujets de la vie…
Ouest Info : On a comme l’impression aujourd’hui que le conte se meurt! Dites-nous, que font les acteurs pour redonner au conte la place qui est la sienne.
François Moïse Bamba: Oui c’est vrai, j’aime cette expression » …on a comme l’impression… ». Effectivement ce n’est qu’une impression. Le conte n’est pas valorisé, il n’a pas la place qu’il devrait avoir. Mais je peux vous dire qu’il ne se meurt pas du tout. Nous le trouvons de moins en moins en ville et d’une manière pervertie, mais je vous assure qu’il a encore de longs jours devant lui le conte…
Que font les acteurs ? Vous avez été témoin. Je viens de finir la 4ème édition du FIASSE et imaginez-vous que dans le Ziro á Sapouy il y a un groupe de Conteurs traditionnels Nouni et l’émission la plus écoutée à la radio loudon de Sapouy est justement le conte, c’est pareil à radio Bobo ou à la RTB 2 !
Pour ma part, après mes plus de 15 ans au festival de conte yeleen et pour le nouveau festival que j’ai lancé, une place importante est donnée au conte.
En plus, j’ai un projet qui veut développer la pratique du conte dans 7 quartiers différents de Bobo et déjà, après les 3 premiers mois de ce projet, il y a des quartiers demandeurs.
Ouest Info : Vous l’avez dit plus haut ; le conte a un rôle d’éducation. Pensez-vous que le conte peut contribuer à guider notre génération qui est en perte de repère?
François Moïse Bamba: Cela me semble tellement évident que le conte de par sa pratique quotidienne et régulière, peut façonner les hommes et femmes que nous sommes et les enfants en devenir… Il y a tellement de valeurs fondamentales dans la pratique du conte, le « vrai ». Dans cette pratique vraie, on dit: celui qui a la parole n’est pas le plus important mais c’est celui qui a l’écoute car c’est l’écoute qui fait la valeur de la parole. Le conte apprends donc à écouter et a améliorer la qualité d’écoute et celui qui sait écouter, il sait parler, il sait comment parler. Depuis que je pratique le conte, j’ai découvert tellement de valeurs.
Ouest Info : Que faut-il faire donc pour que le conte puisse contribuer à orienter la jeunesse?
François Moïse Bamba: Soutenir tous les acteurs qui œuvrent pour que cet art qui a traversé le temps dans toutes les régions du monde, je parle là encore du « vrai conte ».
Vous avez été témoin de la 4ème édition du FIASSE cette année. En plus du festival, des mensuels contés dans les quartiers, j’espère pouvoir finir mon espace « Espace Oralité la FORGE » à Sikasso-cira, et une fois par mois, en collaboration avec les Mairies (j’espère) l’accord des chefs d’établissements, tous les élèves de toutes les écoles du quartier pourront assister à un moment de contes dans l’espace. Pour que tout ceci soit opérationnel, il faudra un soutien.
Ouest Info : Pourquoi ne pas penser à des contes au niveau des chaînes de télé pour toucher le plus de personnes, les jeunes surtout?
François Moïse Bamba: Oui cela fait partie aussi des projets que je voudrais lancer. Il y en a un peu par exemple sur la RTB2 et je crois d’autres chaines, mais il ne faut pas que l’action télé prenne le dessus sur l’acte de conter, il y a une grande profondeur dans la pratique du conte… Tout ce que nous faisons ou mettons en place pour le conte doit servir au conte et pas le contraire… Donc oui il faut des émissions de conte sur les chaines de télé, mais le conte dans sa dimension éducative qui inclue tout.
Ouest Info : « Tout ce que nous faisons pour le conte doit servir au conte ». C’est-à-dire?
François Moïse Bamba: C’est-à-dire que le conte en lui-même est complet, si le respect dans sa structure et dans la conscience de qui je suis? Où je suis? Devant qui je suis?, cela détermine ma manière de parler, de faire ma narration si tant est vrai que mon but c’est d’atteindre l’écoute, une fois que j’ai été écouté, le conte fait son chemin dans la tête, l’esprit, la pensée pour atteindre le cœur et s’y installer.
Et c’est parce que les gens de plus en plus seront touchés par tes contes, par tes mots, par tes phrases qu’ils te détermineront comme « bon conteur ». Mais de plus en plus, les conteurs pensent que c’est eux qui dominent le conte, que c’est eux le plus important… c’est pareille pour une émission de conte à la télé par exemple, l’accent sera plutôt mis sur le décor…
Avoir de la personnalité est indispensable pour tout être, ce n’est pas de la vanité. Mais proclamé qu’on est une personnalité, la vanité n’est pas loin.
Ouest Info : Pourquoi pas des livres de conte adaptés aux enfants?
François Moïse Bamba: Oui ça reste une option sérieuse, mais ça ne suffit pas, un livre est muet, l’acte important du conte c’est la transmission de la bouche à l’oreille, c’est vrai que le conte existe dans sa structuration, mais il est plus mis en valeur dans sa narration. Mais les deux sont complémentaires.
Ouest Info : Un dernier mot sur l’importance de la pratique du conte dans nos sociétés ?
François Moïse Bamba: La pratique régulière du conte, au-delà même du conte lui-même, sa pratique régulière développe les points suivant: l’écoute, la qualité de l’écouté, le respect du temps de la parole de l’autre, la concentration, l’imaginaire, la mémoire. Sans occulter tout ce qu’on peut apprendre comme valeur éthiques et sociales. Le conte est un outil fort de l’éducation.
Interview réalisée en ligne par Jack Koné/Ouest Info