L’agriculture durable et rentable. C’est la tendance actuelle au Burkina Faso dans un contexte de raréfaction des terres agricoles. Dans le Guiriko, cette tendance agricole a une figure intellectuelle bien connue de pas mal de producteurs agricoles notamment les maraichers. Diplômée en agronomie, elle s’est spécialisée dans la fabrication de biofertilisants. Elle disponibilise cette matière organique et forme les producteurs et productrices agricoles à la fabrication et à l’utilisation des fertilisants naturels. Elle, c’est Docteure Adèle Ouédraogo, cette femme chercheure qui a fait de l’agroécologie son cheval de bataille. A l’occasion de la 18è journée internationale des femmes rurales célébrée ce 15 octobre 2025, Ouest Info réalise le portrait de cette femme intellectuelle qui joue un rôle crucial dans le développement agricole durable dans le Guiriko.
Stature sophistiquée, teint noir bien ciré, Adèle Ouédraogo est une chercheure de l’Institut de Recherche en Sciences Appliquées et Technologie (IRSAT). Titulaire d’un doctorat en Sciences agronomiques et ingénierie biologique de l’Université Catholique de Louvain en Belgique, elle a développé un intérêt particulier pour le développement du monde rural.
Ainsi, elle s’intéresse à la transformation des déchets ménagers et agro-industriels organiques en biofertilisants. Adèle Ouédraogo y développe des compétences pointues. Elle se lance dans la formation des maraichers à la fabrication et à la bonne utilisation des fertilisants naturels. Comme si cela ne suffisait pas, elle met sur pieds des sites d’expérimentations de ses biofertilisants. Des espaces sur lesquels, elle démontre à ses apprenants les avantages et les bienfaits de l’utilisation des biofertilisants sur les sols et sur les plantes.

Du haut de sa science, elle perçoit les déchets ménagers et agro-industriels organiques comme une richesse brute non valorisée. La jeune chercheure saisit l’occasion pour prêcher et sensibiliser son entourage sur l’intérêt du tri sélectif des déchets ménagers. Plus qu’un métier, Adèle fait de la production des biofertilisants une passion. Dans son élan de restaurer et de préserver les terres agricoles pour une production durable, les actions de Dame Ouédraogo font tache d’huile en matière de gestion responsable de déchets ménagers à Bobo-Dioulasso et au-delà.
Loin des bureaux dorés, la jeune femme fait de l’avenir et du bonheur des producteurs agricoles sa passion. Lors de ses formations gratuites au profit des producteurs, elle leur explique de manière pédagogique les enjeux économiques, environnementaux et sanitaires de l’utilisation des fertilisants naturels. « En transformant les déchets organiques en biofertilisants, le producteur dépense peu, améliore de manière durable la fertilité de son sol. Il préserve aussi l’environnement et sa santé, des produits chimiques. Il faut retenir que les engrais naturels contiennent tous les éléments nécessaires pour une bonne production durable », explique-t-elle sans cesse aux producteurs qu’elle forme.
Adèle est de cette gamme d’intellectuels qui ont su adapter leurs savoirs aux besoins de leur environnement immédiat. A son contact, l’on est tenté de l’appeler « la femme intellectuelle décomplexée ». Sur elle, les témoignages dans le milieu rural fusent de partout. Amoro Sanou est producteur maraicher basé à Léguéma. En immersion sur le site d’expérimentation des biofertilisants de la jeune chercheure, il est émerveillé par les résultats du champ école de la spécialiste. « C’est merveilleux ce que nous venons de voir. On constate que les plantes enrichies au compost présentent une meilleure physionomie que celles de la parcelle enrichie à l’engrais chimique. C’est une très belle expérience qui nous inspire pour un changement de paradigme. Cette femme dont les pratiques nous inspire est d’une simplicité sans nul autre pareil. Nous avons appris beaucoup d’elle et nous allons essayer d’implémenter ce qu’elle nous a donné comme enseignement une fois de retour chez nous », témoignage de Amoro Sanou sur Docteur Adèle Ouédraogo.

Fatimata Ouédraogo pratique la culture maraichère dans la commune de Dandé. Initiée à la fabrication et à l’utilisation des biofertilisants par Docteur Adèle Ouédraogo, elle se satisfait des résultats des fertilisants naturels expérimentés sur sa parcelle de production. « Docteure Adèle nous a formé sur le processus de fabrication et d’utilisation du compost. Personnellement, j’ai fait l’expérience en comparaison avec l’engrais chimique. J’ai constaté que les fruits des parcelles enrichies aux biofertilisants sont mieux formés. Même quand ils mûrissent jusqu’à un certain degré, ils ne pourrissent pas mais sèchent. Par contre les fruits des parcelles où on a appliqué de l’engrais chimique, les fruits pourrissent vite quand ils mûrissent. Les feuilles des plantes se fanent aussi vite tandis que les feuilles des plantes qui ont reçu exclusivement le compost restent vertes jusqu’à la fin de la récolte. Avec ce constat, nous sommes en train de nous engager progressivement dans l’utilisation des biofertilisants. L’objectif est d’en utiliser exclusivement dès que possible. Nous saluons donc Docteur Adèle, cette femme simple, humble et attentionnée qui nous a permis de découvrir l’intérêt des biofertilisants », Fatimata Ouédraogo exprime-t-elle sa satisfaction des enseignements de Docteure Adèle Ouédraogo.
Comme ces deux producteurs agricoles bénéficiaires du savoir de Adèle, ils sont nombreux ceux que la jeune a formé et suivi pour la fabrication et l’utilisation des biofertilisants. Des producteurs des 36 villages de la commune de Bobo-Dioulasso, de la commune de Bama, de Satiri, de Dandé et bien au-delà, ont bénéficié des formations dispensées par cette ambassadrice de l’agroécologie.
“Les plantes ne peuvent pas avoir accès aux éléments nutritifs s’il n’y a pas de matière organique dans le sol”
Se prononçant sur les biofertilisants, Docteure Adèle Ouédraogo est plus que convaincue que le secret d’une agriculture durable se trouve dans l’utilisation des fertilisants naturels. Dans un contexte de raréfaction des terres agricoles, elle conseille les producteurs à se tourner vers le compost qu’ils peuvent produire eux-mêmes. « Je conseille aux producteurs de privilégier la fumure organique sur leurs parcelles de production. La fumure organique est bénéfique à tout point de vue. Elle améliore les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. Elle améliore l’efficience de l’engrais chimique pour ceux qui pratiquent l’agriculture conventionnelle. L’utilisation exclusive de l’engrais chimique entraine une acidification progressive des sols. Les plantes ne peuvent pas avoir accès aux éléments nutritifs s’il n’y a pas de matière organique dans le sol et tout l’engrais sera perdu, entrainant ainsi une baisse de rendement », confie la spécialiste des biofertilisants.

Toujours disponible et disposée à accompagner les producteurs agricoles en appui-conseil, Adèle se positionne aujourd’hui comme une figure féminine de l’agroécologie dans le Guiriko et au Burkina Faso. Pour son engagement dans la promotion de la préservation des sols et de l’agriculture durable, elle a été lauréate de plusieurs prix. Elle prend aussi part à des colloques internationaux où elle partage sa belle expérience avec ses pairs d’autres pays du monde.
Adèle Ouédraogo est donc de la trame des intellectuels qui concilient la théorie et la pratique de leur science pour le bonheur de leur communauté. Avec Adèle Ouédraogo, toutes les terres sont arables.
Autant dire que Docteure Adèle est une luciole dans le développement du monde rural. D’une humilité légendaire, elle se met au service des producteurs avec une attention soutenue pour aider ces acteurs à soigner leurs sols. Tel un colibri, elle n’agit pas pour un quelconque intérêt personnel. Cette femme est juste animée par un devoir d’être au service du monde rural pour un développement durable au Burkina Faso.
Encadré des prix reçu par Dr Adèle Ouédraogo
– Prix DECLIC de l’IRD 2022 ;
– Prix de la meilleure communication scientifique et technique au FRSIT 2023 ;
– 2è prix du Président du Faso au FRSIT 2023.
– Le trophée de l’innovation de l’IRD 2023 en France
– Prix spécial jeune scientifique de l’édition du prix d’excellence scientifique, en 2024 ;
– prix spécial femme scientifique de l’édition du prix d’excellence scientifique en 2024 ;
Abdoulaye Tiénon/Ouest Info
tienonabdoulaye@yahoo.fr