La poterie est une technique utilitaire très ancienne en Afrique. Elle a occupé et continue d’occuper une place très importante dans la société. Apparue au néolithique avec la sédentarisation de l’Homme, l’art de la céramique a traversé des époques et résiste au temps en Afrique.

Omniprésente tant dans les villes que dans les villages, la poterie est aujourd’hui à l’épreuve de la modernité. Avec les nouvelles méthodes de cuisson et de conservation, elle tente de résister et parvient tant bien que mal à conserver sa place. Un zoom sur la résilience de cette activité pratiquée à Farakan, un vieux quartier de Bobo-Dioulasso, depuis des siècles.

La poterie ou l’art de la céramique est la fabrication d’objets en terre ou argile façonné et cuits au feu. Elle occupe une place de choix dans la vie domestique, dans la médecine traditionnelle et dans la décoration. Dans la ville de Bobo-Dioulasso plus précisément au quartier Farakan (secteur 2), des femmes s’adonnent à cette activité.

Il est 15h14 lorsque nous arrivons dans ce vieux quartier à la place communément appelée «Wara wara ». Dès notre arrivée, nous sommes frappés par une odeur d’argile mouillée. De part et d’autre, on voit étaler des objets de poterie en terre cuite et non cuite. Une potière fait des dessins sur certains de ces objets et une autre confectionne un canari. D’un autre côté, des enfants sont sollicités pour pétrir l’argile pendant que des vendeuses et des clientes venues se ravitailler discutent.

Aïcha Kienou et ses camarades potières, s’adonnent à cœur joie à ce qu’elles savent faire le mieux ; fabriquer des objets en terre cuite. Installées depuis plusieurs années sur la place «wara wara» (au quartier farakan) de Bobo-Dioulasso, ces femmes ont appris cet art depuis leur jeune âge. Un art qui n’a aujourd’hui plus de secret pour elles. Ce qui a été possible grâce à leurs parents, grands-parents et arrières grands-parents qui les ont transmis ce savoir-faire. « Je fais ce travail depuis que j’ai 7 ans. En ce moment, je ne savais même pas compter l’argent et il fallait l’aide des personnes plus âgées pour compter mon argent. », Raconte Aicha Kienou.     

Utilité de la poterie

La poterie occupe une place importante dans les ménages africains. Aux temps anciens, la céramique était utilisée pour la fabrication des statuettes, la cuisson et la conservation des aliments. Aussi elles servaient de jarres d’eau et aussi de greniers.

Mais de nos jours avec l’avènement de la modernité, l’usage de la poterie est tout autre. Elle est plus utilisée dans la décoration et l’esthétique. « Je fais des objets en terre cuite en formes de canaris, d’assiettes, de plats, de marmites, de pot de fleur, de pot d’encens et bien d’autres. Mais les clients n’achètent plus les pots et canaris pour la cuisson ou la conservation de leurs aliments. Ils préfèrent les utiliser pour décorer leurs maisons » indique Aïcha Kiénou.

Cette dernière fait partie des rares personnes qui utilisent de nos jours les poteries pour la cuisson de leurs aliments. «J’utilise les marmites que je fabrique pour cuire mes aliments. Certains de mes clients le font aussi et ils font le constat avec moi que le goût diffère avec les marmites en métal », en est-elle convaincue. 

«J’utilise les pots d’encens, les assiettes et les plats en terre cuite car c’est ce qui nous appartient en tant qu’africains. C’est très pratique et décoratif à la fois. J’achète tout le temps des poteries car mes visiteurs veulent toujours emporter mes assiettes en terre cuite après y avoir mangé. Nous devons consommer et valorisé ce que nous produisons.» a déclaré Salimata Konaté, une utilisatrice de poterie.      

Les pots d’encens et les canaris sont beaucoup utilisés pour des raisons bien précises. «Les canaris et les pots d’encens sont les plus achetés car ils sont indispensables lors des mariages. Pour ceux qui le savent, un canari accompagne obligatoirement la nouvelle mariée chez son époux car c’est avec l’eau du canari qu’elle accueille sa belle-famille.» a affirmé Salimata Dao, une potière de farakan.

Aussi le canari est beaucoup utilisé dans la médecine traditionnelle. Les tradipraticiens et les potières dépendent les uns des autres pour le bon déroulement de leurs différentes activités. En effet, le canari est utilisé par les tradipraticiens pour diverses raisons. Ces derniers l’utilisent pour y mettre les feuilles, les racines et les écorces des plantes afin de soigner leurs patients. «J’utilise les canaris pour mettre les médicaments des malades car c’est ce qui doit être fait et c’est ce que les parents nous ont enseigné. J’utilise différentes techniques pour mettre les médicaments dans le canari en fonction de la maladie. Quand on met le médicament traditionnel dans le canari, le médicament est plus puissant et agit vite sur la maladie afin de guérir le malade. Par contre quand on utilise les marmites métalliques cela affecte son efficacité car à des fortes températures, le métal calcine les vertus thérapeutiques des feuilles,  l’écorces ou la racine. Je déconseille fortement cette pratique à mes malades » a confié Nassita Tanou une tradipraticienne de Farakan.                 

La survie d’un savoir-faire

La poterie est un métier qui se transmet de génération en génération. Aicha Kienou et ses camarades l’ont appris auprès de leurs parents et elles le transmettent aujourd’hui à leurs enfants. «Nos enfants partent à l’école mais elles savent très bien faire la poterie. Nous les initions au métier depuis leurs bas âges. Ma fille est enseignante mais elle fait des poteries pour vendre. Nous formons aussi des étudiantes et des stagiaires », confie Salimata Dao, une potière de farakan. 

Pour cette dernière, la poterie était pratiquée uniquement par les forgerons et les femmes des forgerons. Mais de nos jours, toute personne qui s’intéresse à cette activité peut en faire son métier.

En dépit de l’apparition des outils modernes, l’usage des poteries est toujours d’actualité grâce aux différentes techniques mises en place par les potières. En effet les potières ont formé des associations où elles peuvent se rencontrer afin de discuter pour le développement de leur activité. «Nous avons formé une association avec d’autres potières. Cela nous permet d’améliorer ensemble nos méthodes et techniques de travail. Nous fabriquons maintenant d’autres modèles comme les fourneaux et les foyers améliorés. Aussi nous formons les jeunes pour la relève » Salimata Dao explique-t-elle la résilience des potières face à la modernité.

La poterie est génératrice d’emploi et constitue une importante source de revenus pour ceux qui s’y adonnent. Malgré la cherté de la vie, la rareté et le coût élevé des matières premières, l’art de la céramique tel un roseau qui, à l’épreuve du vent, se plie et se replie sans se rompre.

Leïla Korotimi Koté et Aminata Djamila Yé/Stagiaires