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Bourahima Fabéré Sanou : « Oui, des militants du MPP ont travaillé à saboter certaines de nos actions » (2ème partie interview)

Ceci est la 2ème partie de l’interview de Bourahima Fabéré Sanou, ex-maire de la commune de Bobo-Dioulasso (2016-2022). Dans cette partie, l’homme évoque les difficultés rencontrées au cours de son mandat, la question foncière et autre.

A lire aussi-Bourahima Fabéré Sanou, ex-maire de Bobo : « Je suis fier de mon bilan » (1èrepartie interview)

Ouest Info : Vous avez parlé de difficultés rencontrées.  Peut-on en savoir davantage ?

BFS : Rire. Sans langue de bois, mes difficultés étaient d’abord internes à ma formation politique. Vous avez vu l’histoire du grand marché de Bobo-Dioulasso, ça m’est resté à la gorge. Mais je comprenais que c’était des actions politiques qui nous empêchaient d’organiser la gestion du grand marché. Ces difficultés, on le sent jusqu’aujourd’hui.  Vous voyez la persistance du désordre à l’intérieur comme à l’extérieur du marché central.

Des gens proches de moi-même et de ma formation politique ne m’ont pas facilité les choses comme on le voulait.  Au-delà de ça, c’était mes collaborateurs directs. Je veux parler là, des maires d’arrondissements. Nous ne nous sommes pas compris sur plusieurs dossiers. Ça n’a pas facilité le déroulement de notre programme. Peut-être ils avaient raison ou c’est moi qui avais raison, je ne le sais vraiment pas. Ce qui est sûr, on a eu des difficultés de collaboration que je regrette. Ce sont des difficultés qui ne nous ont pas permis de travailler comme ils se devait.

Ouest Info : Voulez-vous dire que des militants de votre parti, le MPP, ont travaillé à saboter vos actions ?

BFS : Oui. Ça, je le dis sans hésiter. Mais je m’y attendais plus ou moins car, quand on rentre en politique, il faut s’attendre à ces choses-là. Je le dis, notre action a été, plus ou moins, à un moment saboté. On s’y attendait mais pas quand même à l’interne de notre propre parti politique. Sinon, avec l’opposition à son temps, je n’ai eu aucun problème. Eux au moins, même quand ils s’opposaient à certaines actions, ils étaient dans leur rôle. Et c’était d’ailleurs de bonne guerre. Mais que ça vienne de l’intérieur, ça, c’est franchement la chose que j’ai regretté durant mon mandat.

Ouest Info : Certains de vos collaborateurs, notamment des maires d’arrondissements, ont aujourd’hui des soucis avec la justice du fait de leur gestion du foncier. Quel commentaire en faites-vous ?

BFS : Ce qui arrive aujourd’hui ne me surprend pas. A un moment donné, j’ai bien tapé du poing sur la table pour attirer l’attention des uns et des autres, et même jusqu’au plus haut niveau pour dire que ce que nous sommes en train de faire sur le foncier allait nous rattraper un jour. Je n’ai pas été écouté.

Comme vous le savez, les lotissements sont suspendus à Ouaga et Bobo. Mais on a trouvé une formule pour contourner cette mesure qui consiste à autoriser des soi-disant promoteurs immobiliers qui, en lieu et place de la promotion immobilière, faisaient de la promotion foncière.

Certains de mes ex collaborateurs n’ont pas compris quand on a attiré leur attention ; soit par ignorance ou parce qu’ils ont été induits en erreur dans cette position par « le haut niveau ». Je me souviens que j’ai été obligé d’écrire à un ministre de l’urbanisme en son temps pour dire qu’il fallait qu’on se retrouve avec l’ensemble des acteurs pour se parler afin que les gens puissent comprendre parce que moi, en tant que maire de la commune, quand je donnais certaines positions à mes collaborateurs maires d’arrondissements, on me retorquait pour dire, « j’ai été voir le ministre de l’urbanisme qui m’a dit qu’on pouvait faire ».

Quand c’est ainsi, je ne savais plus par où mettre la tête. Ces maires qui ont agi ainsi pensaient peut-être bien faire. Souvent, ils ignoraient là où ça pouvait les conduire. Sinon qu’on a fait de notre mieux en attirant l’attention des uns et des autres. Malheureusement, ils n’ont pas compris. Le haut niveau comme ils le disaient, les a induits en erreur et ça se trouve aujourd’hui que nous sommes en porte à faux avec la loi sur la question foncière. Et cette question, elle est très profonde.

Ouest Info : Très profonde jusqu’à ce point ?

BFS : Oui. Je me suis amusé à dire que malheureusement sous mon mandat, quand je regarde les difficultés qui ont été créées dans le domaine du foncier, c’est inégalé. C’est dommage ! Mais on a refusé de se dire la vérité. Vous êtes seul à crier.  Mais si certains ont l’approbation du « haut niveau », on trouve finalement que c’est vous qui voulez empêcher les gens de travailler. Et ça été mon cas. J’ai été incompris sur le foncier et aujourd’hui, voici la situation dans laquelle nous sommes.

Si vous prenez aujourd’hui le plan d’occupation des sols (POS) de Bobo-Dioulasso, vous ne pouvez pas dormir. Vous allez comprendre que les zones industrielles futures sont en urbanisation. Les zones de productions sont occupées par les immobiliers. Les zones de conservations, tout, rien n’est respecté sur le plan de l’occupation des sols.  Et si on laisse faire comme ça, j’avoue que dans 5 ou 10 ans, les problèmes seront encore plus graves qu’on ne l’imagine.

Ouest Info : Que faut-il faire alors ?

BFS : Il faut agir sinon dans le futur, ça va poser de sérieux problèmes. Parce que quand tu veux habiter, il faut d’abord manger. Je suis ravi de savoir que le président de la transition actuelle évoque la question de l’occupation des terres. Si on ne décide pas des solutions qui sied, on va tous le regretter à l’avenir et ça risque d’être pire pour nos enfants et arrières petits-enfants.

Ouest Info : Peut-on donc dire que le temps vous a donner raison sur la question foncière puisque l’on se rappelle que vous étiez souvent à couteaux tirés avec certains maires d’arrondissements par rapport à cette question ?

BFS : Oui, le temps nous a donné raison. Mais on n’avait vraiment pas besoin d’attendre le temps car, tout était clair. Je me dis que c’est l’ignorance qui a conduit les gens dans ces situations et c’est vraiment regrettable pour nous tous car, personne ne devrait se réjouir de voir son collaborateur, même si vous ne vous êtes pas compris à un moment donné, se retrouver dans les liens de justice voire aller en prison. C’est regrettable mais hélas !

Ouest Info : Monsieur le maire, n’avez-vous pas peur d’être inquiété par cette même question du foncier ?

BFS : Inquiété ? Non, je n’ai pas peur parce que nous savions ce que nous posions comme actes. Je vous le dis aujourd’hui que je n’ai jamais accepté, même 1m² d’un promoteur immobilier. Pas parce qu’il n’y a pas eu de propositions. Il y en a eu dans tous les sens.

Ouest Info : Vous avez eu des propositions de la part de qui ?

BFS : Des propositions, j’en ai eu à travers les promoteurs immobiliers eux-mêmes mais aussi à travers mes collaborateurs. Mais j’ai toujours dit NON, parce que ce n’est pas légal et je ne veux pas ce qui est illégal. Dans la vie, vous comme moi, chacun devra avoir peur au quotidien. Parce que pour un acte banal quelque part dont vous ignorez, ça peut vous créer des problèmes. C’est pour dire que ce ne sont pas seulement les problèmes de gestion qui envoient les gens en prison. Vous pouvez avoir des problèmes avec votre femme ou votre enfant et vous retrouver en prison. Donc chacun devrait avoir peur au quotidien.

Ouest Info : Donc, côté gestion, le maire ne se reproche rien ?

BFS : Pour ma gestion, je ne pense pas qu’il y ait des choses qu’on puisse nous reprocher. Des actes intentionnellement pris, non, nous sommes tranquilles.

Ouest Info : La délégation spéciale est à l’œuvre en vue de trouver des solutions aux problèmes fonciers dans la commune. Pensez-vous, monsieur le maire, au regard de ce que vous venez de dire, que cela soit possible ?

BFS : Il n’y a qu’une décision courageuse qui peut résoudre le problème. La délégation spéciale n’ayant pas de chapelle politique, je me dis qu’elle peut bien faire bouger les lignes dans ce domaine. Elle peut, courageusement, décider de s’attaquer aux problèmes fonciers.  Sauf si elle veut faire aussi de la politique sinon, elle peut résoudre cette question avant que tout autre forme de gouvernance ne puisse s’installer. Y a des solutions. Et ces solutions, c’est l’application pure et simple de la règlementation en la matière.

C’est parce que les gens ont refusé de suivre les lois et règlements sur le foncier que nous nous sommes retrouvés dans cette situation.

Toute personne qui vend des parcelles aujourd’hui devrait être arrêté car, les lotissements sont suspendus. C’est donc dire que personne ne devrait pouvoir dégager une parcelle pour vendre. Mais tous les jours, on voit des publicités de vente de parcelles sur les réseaux sociaux, dans les radios, à la télé. Quelqu’un qui sort dire qu’il a une parcelle en vente, devrait immédiatement être arrêté parce que c’est un aménagement illégal qu’il a fait, à moins que ça soit une parcelle qui date d’avant la suspension des opérations de lotissements. S’il s’avère que c’est un aménagement qui est fait après la suspension, l’intéressé doit être arrêté puisqu’il est en violation de la loi.

Mais déjà, on voit que la délégation spéciale bouge car, on voit dans les arrondissements les bornes qui sont régulièrement déterrées. Je leur tire mon chapeau. Je leur demande de continuer dans ce sens.

Interview réalisée par Madi/Ouest Info

NB: La 3ème et dernière partie de l’interview est prévue pour le jeudi 16 mars 2023

La rédaction
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Ouest Info est un média en ligne basé à Bobo-Dioulasso dans la région de l’Ouest du Burkina Faso.

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