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Pascaline Sanou : L’institutrice de Panamasso, amie de la terre

L’agriculture tous les douze mois de l’année sans engrais ni pesticides chimiques est une réalité à Panamasso, un village situé à une vingtaine de kilomètre au nord-ouest de la ville de Bobo-Dioulasso. Loin de point d’eau, Pascaline Sanou, institutrice de son état,  a su dompter les aléas climatiques pour ne laisser aucun mois de l’année passée sans produire pour manque d’eau. Disposant de bassins piscicoles, elle irrigue ses parcelles de cultures à l’aide de l’eau enrichie aux effluents de poissons. Cette technique lui permet de mettre sur le marché des produits purement biologiques. A la découverte de cette productrice modèle dans ce portrait.

Pascaline Sanou, un nom qui suscite envie, admiration, respect et considération dans le milieu des producteurs agricoles du village de Panamasso et des localités environnantes. Ses exploits aussi éclatants que merveilleux lui valent ce capital de sympathie. La cinquantaine bien sonnée, le regard expressif et la démarche rassurante, cette institutrice de profession vit sa passion agricole sur une superficie d’environ 1,5 hectare.

Cette surface semble ne pas représenter grande chose pour un producteur agricole burkinabè ordinaire. Pourtant Pascaline Sanou y fait des merveilles qui défient des exploitations agricoles de plus grandes superficie. L’intégration de la pisciculture à son activité de production agricole est son secret. A l’aide de l’eau des bassins piscicoles, elle irrigue et fertilise en même temps ses parcelles de différentes spéculations. Une technique qui lui permet de produire tous les douze mois de l’année. Mais comment a-t-elle découvert cette technique agricole?

La rencontre entre Pascaline Sanou et l’agriculture intégrée à la pisciculture: un hasard heureux

Servant dans la fonction publique, il y a plus de 30 ans, Pascaline Sanou n’a pas senti toutes ces années passé car elle les a mises à profit pour vivre deux passions: celle d’éduquer et celle de la production agricole. Ayant servi dans plusieurs localités du pays, elle n’a manqué de toujours trouver du temps pour pratiquer l’agriculture.

Cette activité héritée de ses parents semble être aujourd’hui son ADN. Affectée dans la zone de Bobo-Dioulasso, il y a maintenant quelques années, elle n’ira pas chercher loin pour ses activités de production qui lui collent désormais à la peau. Elle délimite seulement 1,5 hectare dans un vaste domaine familial à Panamasso, son village natal. L’envie de produire tous les douze mois de l’année lui donne l’idée de réaliser un forage. Elle irrigue ainsi ses plantes jusqu’en 2018 où la productrice agricole s’invite à la pisciculture.

C’est cette eau (de la pisciculture) qui sert à arroser la parcelle de Pascaline Sanou

Au début de cette nouvelle aventure sur son site agricole, l’eau des bassins piscicoles était vidée et jetée dans la nature. Mais à un moment donné, Pascaline Sanou voit en cela un gâchis. Sans toutefois savoir que cette eau de l’élevage de poissons est bénéfique aux plantes, elle commence à l’utiliser sur ses parcelles de production.

Dès lors, elle fait un constat. Pascaline remarque que les plantes irriguées avec l’eau des bassins piscicoles avaient une verdure plus consistante que celle des autres parcelles irriguée directement avec l’eau du forage. Les parcelles qui recevaient l’eau des poissons restaient humides plus longtemps. La productrice se doutait de probables vertus que l’eau des bassins piscicoles pourraient comporter. Dans ses supputations, elle entend parler d’une formation sur la production intégrée.

Elle y participe et découvre que sa pratique hasardeuse était une technique de production agricole bénéfique. “Je peux dire que c’est par hasard que j’ai découvert l’agriculture intégrée à la pisciculture. Mais aujourd’hui, je dis Dieu merci car grâce à cette technique, j’arrive à produire purement bio. Ça amoindri le coût de production car on ne paie plus d’engrais. En plus de cela, je gagne doublement; le poisson d’un côté et les produits agricoles de l’autre”, Pascaline Sanou explique-t-elle sa rencontre avec l’agriculture intégrée à la pisciculture avant de faire des précisions sur sa manière particulière de produire.

Grâce à cette technique, je produis maintenant tous les douze mois de l’année. J’ai toutes sortes de spéculations. Je produis sur ce site de la papaye, de la banane, du piment, de l’oignon, du soja, du manioc et autres. Je ne produis pas au hasard. J’observe bien le marché et c’est en fonction de la rareté de certains produits à une certaine période de l’année que je produis. Cela me permet de faire des bénéfices considérables« , précise Pascaline Sanou.

A 6 mois de sa retraite de la fonction publique, Pascaline Sanou pense déjà à intensifier ses productions

Déterminée et convaincue que la terre ne ment pas à celui qui l’entretient, Pascaline Sanou entend intensifier ses activités de production intégrée. A six mois de sa retraite, elle pense déjà à une formation en fabrication de biofertilisants et biopesticides pour pouvoir agrandir sa surface de production et renforcer la fertilisation des effluents piscicoles. Pour elle, quand on nourrit bien la terre, elle produit plus que ce qu’on lui demande.

Ainsi pour elle, une maitrise en production de compost en fabrication de biopesticide permettra d’accroitre considérablement sa production sans craindre les attaques parasitaires et les ravageurs. Elle entend même installer un biodigesteur pour le compostage des déchets.

Au regard de la vision de la quinquagénaire à l’humour facile, sa retraite s’annonce assez mouvementée mais elle dit vivre une passion qui fait qu’elle ne se sent pas en train de travailler un seul instant quand il s’agit des travaux de production agricole.

Pascaline Sanou, une femme battante

Dans l’entourage de Pascaline Sanou, elle est le symbole d’une femme battante. Instruite à un haut degré, elle a fait de la terre sa meilleure amie. Son amour pour l’agriculture est un secret de polichinelle dans son entourage familial. Selon elle, au début de ses activités sur le site de Panamasso, son mari s’y était opposé. “Mais à force de courage et de détermination, j’ai fini par le convaincre. Maintenant quand il vient ici, il prend même la daba et se joint à nous pour travailler”, confie-t-elle sur sa résilience face aux difficultés qui ont émaillé son parcours dans ses activités agricoles.

Une vue de fruits dans la parcelle agricole de Pascaline Sanou

Pierre Ouédraogo est le cousin de l’époux de Pascaline Sanou. Venu de Ouagadougou pour ses congés à Bobo-Dioulasso, il est allé rendre visite à la brave dame sur son site de production à Panamasso. “Je suis venu rendre visite à ma belle soeur. Voilà une femme pour qui j’ai beaucoup d’admiration pour son courage dans la production agricole. J’entendais parler du succès de ses activités agricoles dans la famille mais je n’avais jamais eu l’occasion de faire le constat. Aujourd’hui je suis témoin de ce qu’elle fait. C’est plus que des merveilles ce que je constate. En tant que femme, sincèrement, elle fait ce que des hommes ne peuvent pas faire”, s’est émerveillé Pierre Ouédraogo qui n’a pas manqué de lever un coin de voile sur le caractère de Pascaline Sanou. “Avec cette femme, ne t’attend pas à ce qu’elle mâche ses mots si tu lui marches dessus. Elle n’a pas sa langue dans sa poche. Dès que tu déconnes, elle ne passe pas par quatre chemins pour te dire ses vérités. Et généralement, quand une personne a ce caractère, elle ne peut pas être rancunière. Effectivement celle que j’appelle affectueusement Chérie, n’est pas du tout rancunière”, revèle Pierre Ouédraogo.

Marguérite Diane Armelle Dindané est la fille cadette de Pascaline Sanou. Pour elle, la vie de sa mère se confond avec l’agriculture au point de parfois les priver de certains privilèges. “Ma mère adore trop l’agriculture. Quand elle n’est pas de service, elle ne passe pas un seul instant ailleurs si ce n’est que dans son champ. Elle peut parfois passer toute la journée à travailler sans même manger. Vraiment son amour pour cette activité est très débordant au point qu’elle nous prive souvent de beaucoup de choses au profit de son champ” fait savoir Marguérite Diane Armelle Dindané sur sa mère par rapport à son activité de production agricole. Sur son caractère, cette dernière ne lui trouve pas grand défaut “sauf qu’elle aime dire la vérité. Ce qui blesse parfois les gens et moi je ne vois pas cela comme un défaut”.

Epouses des employés de Pascaline Sanou, Elisabeth Koné et Zénabou Diallo parlent d’une femme de caractère au courage séduisant. Pour elles, Pascaline Sanou est une école agricole vivante rien que par sa connaissance dans la production mais aussi par sa capacité à pouvoir transmettre facilement ce savoir. “Vraiment ce que cette dame nous donne à voir est merveilleux. Si toutes les femmes pouvaient faire comme elle, il n’y aurait jamais de famine au Burkina Faso”, déclare Elisabeth Koné qui souligne du même coup l’altruisme de la patronne de son époux. “En plus de rémunérer mon époux; c’est elle qui nous loge et nous donne à manger. Elle s’occupe aussi souvent de nos petits besoins”, témoigne Elisabeth Koné.

Teint noir bien ciré, grande de taille et humble, Pascaline Sanou est l’image d’une femme intellectuelle qui s’est liée d’amitié avec la terre. Une amitié que Pascaline Sanou entretient bien et préserve dans la durée. “Si tu tends la main à la terre de manière responsable, elle te répond au-delà de tes attentes. C’est pourquoi j’ai opté pour la production biologique à travers l’agriculture intégrée à la pisciculture que je compte intensifier”, foi de Pascaline Sanou, l’amazone de Panamasso.

Abdoulaye Tiénon/Ouest Info

Encadré

Pascaline Sanou est née le 11 avril 1965 à Panamasso, un village situé à une vingtaine de kilomètre de la ville de Bobo-Dioulasso. Issue d’une famille monogame de six enfants, son enfance a été bercée par les activités de production agricole que faisaient ses parents. A six ans, elle prend la route de l’école.

Très rapidement, elle évolue dans son cursus scolaire sans embûches. Son Baccalauréat en poche au milieu des années 1980, elle s’inscrit au département des lettres à l’Université de Ouagadougou. Titulaire d’une maîtrise en lettres au début des années 90, elle intègre la fonction publique comme institutrice en 1992. Elle sert dans plusieurs localités du pays.

De Karangasso Sambla à Ouagadougou en passant par Dori, l’amour de Pascaline Sanou pour l’agriculture ne s’est guère émoussé. Même dans les zones peu propices à certaines cultures agricoles, elle les y a cultivées avec succès. Après plus de 30 ans de carrière, l’agricultrice dans l’âme se prépare pour la retraite de la fonction publique en avril 2023. Une retraite qui s’annonce intense en activités agricoles.

Du haut de ses 57 ans, elle trouve encore de l’énergie pour servir sa passion qui est l’agriculture. Mieux, elle a opté pour une agriculture durable et ce, à travers l’agriculture intégrée à la pisciculture. Dans un souci de continuité, elle a inscrit sa fille cadette à l’Ecole Nationale de Formation Agricole (ENAFA ex CAP/Matourkou). Avec cette dernière, la native de Panamasso entend assurer la relève et professionnaliser davantage son activité. Pascaline Sanou est mariée et mère de quatre enfants.

Abdoulaye Tiénon

La rédaction
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Ouest Info est un média en ligne basé à Bobo-Dioulasso dans la région de l’Ouest du Burkina Faso.

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