Souleymane Tapsoba est un producteur de l’agriculture intégrée à la pisciculture basé à Dafinso, un village situé à une dizaine de kilomètres de la ville de Bobo-Dioulasso sur la route nationale 10. Considérée comme son activité secondaire, cette production intégrée est d’un grand apport pour ce producteur dans le fonctionnement d’un centre de formation professionnel dont il est promoteur. Fruits, légumes et céréales sont entre autres les produits issus de la production de Souleymane Tapsoba sur une superficie de deux (02) hectares. Rompu à la tâche, le mécanicien et producteur agroécologique parvient à nourrir plusieurs dizaines des pensionnaires internés dans son centre avec sa production biologique. A la découverte de ce producteur modèle dans ce portrait.
Lunettes noirs sur le dessus du front sous un chaud soleil, quelques perles de sueur parcourent ses joues. D’une plante à une autre, d’un jardin à un autre, d’un bassin piscicole à un autre, il exécute des tâches qui donnent l’impression d’être pour lui des réflexes. Lui c’est Souleymane Tapsoba, le mécanicien séduit par la production agro-écologique intégrée. Teint noir bien ciré, l’homme pratique l’agriculture intégrée à la pisciculture il y a environ trois ans. Mais il se frotte déjà les mains. Amoureux du travail bien fait, il est parvenu à prendre goût en cette activité.

Sur une superficie d’environ de deux (02) hectares, il a pu construire plusieurs bassins piscicoles alimentés en eau par un forage haut débit. Les bassins alimentent à leur tour son petit verger de manguiers et d’orangers mais aussi ses jardins maraichers et céréaliers.
Ces plantes ne sont pas seulement servies en eau par les bassins mais aussi en engrais biologique. En effet, l’eau provenant des bassins contient des effluents qui constituent pour ces plantes un engrais naturel très riche. Pour ce faire, Souleymane Tapsoba n’utilise point d’engrais chimique sur son site de production intégrée. A lui en croire, le coût de production se retrouve être moindre et les retombées sont doubles.
Comment Tapsoba le mécanicien est-il devenu producteur agro-écologique ?
Agé de cinquante-sept (57) ans, Souleymane Tapsoba est un érudit de la mécanique d’engins lourds. Propriétaire de plusieurs garages dans la ville de Bobo-Dioulasso, il décide de mettre en place un centre de formation professionnel. Pour la mise en place de ce projet, son point de chute est Dafinso où il possède un champ de deux (02) hectares. Il lance les activités du centre qu’il a baptisé ‘’centre de formation professionnelle Tapsoba’’. Un peu éloigné de la ville, il pense à un internat pour les apprenants. Mais leur prise en charge alimentaire devient problématique pour Souleymane Tapsoba.
Le quinquagénaire à l’imagination fertile va transformer cette difficulté en opportunité. Il pense à une activité de production de vivre et d’alimentaires complémentaires sur le site. Dans ses recherches, il entend découvre la production intégrée notamment l’agriculture intégrée à la pisciculture. Son goût pour le travail bien fait lui conduit vers des producteurs bien trempés dans la technologie.

Sa capacité d’apprentissage rapide lui donne la possibilité de s’approprier la technologie en peu de temps. Sa volonté de toujours réussir ce qu’il entreprend ne lui fait pas attendre. Il se lance à la mise en place du dispositif. Ainsi, il réalise ses deux premiers bassins qu’il ne tarde pas à empoissonner. Autour de ces bassins, il dresse de petits jardins.
Ce coup d’essai se révèle être un coup de maître pour Souleymane Tapsoba que ses proches appellent affectueusement ‘’Solo’’. Il multiplie les bassins et agrandit les jardins. Avec un effectif de plus de 6 000 poissons en tilapia, silures et autres, diverses spéculations agricoles sont aussi produites notamment le niébé, le maïs, le gombo, les aubergines, les tomates. Les oranges, les manges, la papaye sont également produits à l’aide de l’eau pleine d’effluents piscicoles.
Ainsi la production agricole et piscicole de Tapsoba a pu nourrir la quarantaine de pensionnaires de l’année 2020-2021 de son centre neuf (09) mois durant. Hormis le riz, les pâtes et l’huile, tout le reste de leur ration alimentaire est issue de la récolte des jardins et du poisson des bassins. Le reste de la récolte sert à sa famille, aux voisins, au visiteurs, amis et connaissances de Tapsoba. Le dévouement de Souleymane Tapsoba à cette activité de production biologique n’a pas manqué de séduire des pensionnaires. Certains d’entre eux se sont initiés à cette technique de production de l’agriculture intégrée à la pisciculture. Ceux-ci envisagent expérimenter la technologie.
Souleymane Tapsoba fabrique ses propres biopesticides pour sa production intégrée
Dans sa volonté de produire purement bio, Souleymane Tapsoba fertilise ses jardins avec les effluents piscicoles. En cas de besoins, il utilise du compost complémentaire. Mais pour produire bio, il y a les ravageurs et autres maladies végétales qu’il faut éloigner par des traitements phytosanitaires. L’homme n’ira pas chercher loin. Il puise dans certaines pratiques agricoles anciennes une recette qui l’aide à préserver ses plantes des ravageurs et des autres menaces destructives. A l’aide de cendre, il fait un mélange avec l’eau et certaines substances végétales et obtient son biopesticide avec lequel il traite efficacement ses plantes.
Pour Souleymane Tapsoba, l’agriculture intégrée à la pisciculture présente des avantages bénéfiques. Sur le plan économique, il permet de produire doublement sur toute l’année. On obtient selon lui des produits agricoles bio mais aussi du poisson sans trop dépenser. Sur le plan sanitaire, il estime que ce type de production intégrée permet de produire sain. Le producteur est sûr que cette manière de produire peut permettre de préserver la santé du producteur qu’il est mais aussi celle des consommateurs.

Sur le plan écologique, il pense que l’utilisation de moyens purement naturels permet de préserver durablement les sols. « Je ne suis pas spécialistes de questions environnementales mais avec beaucoup d’attention dans l’observation, on se rend compte que les sols perdent très rapidement de leur fertilité quand on utilise les produits chimiques. Je suis analphabète mais je sais que ce qui est capable de nuire au sol ne peut ne pas être nuisible pour la santé humaine à long terme. C’est ce pourquoi, j’ai opté pour l’agriculture biologique. Non seulement le coût de production est moindre mais on produit doublement et sans interruption toute l’année », Souleymane Tapsoba vante-t-il les avantages de l’agriculture biologique intégrée à la pisciculture.
Difficultés rencontrées par Tapsoba dans la production intégrée
Dès la phase expérimentale, Tapsoba a constaté que les bassins en terre (creusés) présentent plusieurs inconvénients. Des prédateurs comme les serpents et crapauds s’y glissent et avalent les poissons. Avec ces types de bassins, il faut toujours recourir à une motopompe pour pouvoir vider l’eau pour arroser les plantes. En cas de fortes pluies, le bassin peut se remplir et déborder avec les poissons.
Dans ces types de bassins, les risques d’intoxication des poissons sont élevés. Ce qui va amener le producteur à changer de paradigme. Il opte pour les bassins hors-sol avec lesquels il assure actuellement sa production intégrée. Comme autre difficulté, Tapsoba fait aujourd’hui face au problème de disponibilité d’aliments de qualité pour ses poissons.
Pour lui, la qualité de la plupart des aliments disponibles sur le marché n’est pas trop bonne. « Le bon aliment pour le poisson doit flotter. Ce n’est pas le cas pour la plupart de ce qui est fréquent sur notre marché. Dès qu’on les jette dans la piscine, les minutes qui suivent, ces aliments rejoignent le fond des bassins. Pour les silures, il n’y a pas de problème. Mais ces genres d’aliments ne peuvent pas bien nourrir les tilapias. Donc actuellement, l’aliment que je paie vient du Ghana et ça c’est très bon parce que ça flotte à la surface de l’eau et les poissons se nourrissent facilement », indique le producteur au verbe facile.
Souleymane Tapsoba, un amoureux du travail bien fait
Quelques heures passées aux côtés de Souleymane Tapsoba ont permis de partager avec lui son vécu quotidien. Il est toujours à la tâche. Rien de ses bassins piscicoles et de ses jardins n’échappe à ses soins. Certains de ses employés ont du mal à suivre son rythme. C’est ce qu’exprime Yacouba Ouédraogo, un de ses employés agricoles. « Monsieur Tapsoba est un gros travailleur. Tu ne le verras jamais assis quand il est ici. Il donne toujours des ordres par des exemples de tâches qu’il exécute. Il aime le travail bien fait. Pour être sincère, c’est mon patron mais je ne peux pas travailler à son rythme. Plus qu’un patron, il est pour moi un maitre du savoir auprès de qui j’apprends beaucoup de choses », nous confie-t-il.
Ce n’est pas la secrétaire du ‘’Centre de formation Tapsoba’’ qui dira le contraire. « Mon patron est très rigoureux. Il n’aime pas qu’on exécute mal ses tâches. Quand tu fais mal quelque chose, il ne tarde pas à te sermonner. C’est un gros travailleur qui aime le travail bien fait », témoigne Charlotte Sanou.

Drissa Yombo quant à lui est épaté par la capacité de l’homme à maitriser et à exécuter plusieurs choses à la fois. Pour lui, c’est un génie du savoir qui a horreur du travail bâclé. « Quand monsieur Tapsoba te confie une tâche, il vaut mieux ne pas la faire que de mal l’exécuter. Je m’étonne souvent de la diversité de son savoir. Il est vraiment pour moi un modèle. Je l’admire vraiment. Je me demande si je pourrais l’incarner comme je le souhaite », confirme-t-il.
Souleymane Tapsoba est en résumé une école de vie et un cas d’école du travail bien fait. Son parcours de vie et son succès dans l’agriculture intégrée à la pisciculture sont inspirant. Il faut tout simplement être ‘’Solo’’ pour être en même temps excellent mécanicien et excellent producteur agricole et piscicole.
Abdoulaye Tiénon/Ouest Info
ENCADRE
Qui est réellement Souleymane Tapsoba ?
Né dans la commune de Bama en 1965, Souleymane Tapsoba a grandi à Bobo-Dioulasso où il fait l’école coranique. Issue d’une famille polygame d’une dizaine d’enfants, ‘’Solo’’ doit faire face à son destin. Ainsi après ses études coraniques, il embrasse le commerce. Mais le rythme de ses affaires ne cadre pas avec ses ambitions de vie. Il abandonne cette activité et prend le chemin de la Côte d’Ivoire en 1984. Il atterrit à Abidjan dans la capitale économique ivoirienne. Il intègre un garage de mécanique d’engins lourds. En moins d’un an, le jeune ‘’Solo’’ prend la route de Man, une ville de l’ouest de la Côte d’Ivoire à la recherche de meilleures conditions de vie. De cette ville, il rejoint le Libéria où il approfondit son apprentissage de la mécanique des engins lourds avant de rejoindre son pays natal à la fin des années 1980. Il commence d’abord par ouvrir un atelier de collage à chaud. Avec le temps, il intègre la mécanique à son activité. Il ouvre ainsi plusieurs garages dans la ville de Bobo-Dioulasso.
Son excellence dans son travail lui fait une renommée retentissante dans le milieu de la mécanique à Bobo-Dioulasso et dans certaines autres villes du pays. Il forme ainsi plusieurs dizaines de jeunes dans ses nombreux garages. Certains sont aujourd’hui leur propre patron dans le domaine de la mécanique. Il a actuellement dans ses différents garages une quarantaines d’employés et d’apprentis. Non satisfait de la formation non formelle qu’il donne aux jeunes, il décide de créer un centre de formation professionnelle en 2018. Il met en place le centre à Dafinso, un petit village situé à une dizaine de kilomètre de Bobo-Dioulasso sur la route nationale 10. Il joint un internat au centre de formation professionnel qui porte son nom. Il reçoit ses premiers pensionnaires la même année. Mais la prise en charge alimentaire de ces pensionnaires donne du fil à retordre au natif de Bama.
C’est ainsi que l’idée de l’agriculture intégrée à la pisciculture voit le jour. Attaché au travail bien fait, il va à la recherche du savoir sur la technologie. Une fois bien imprégnée, il met en place ses premiers bassins et ses premiers jardins. Il rencontre quelques difficultés avec les bassins en terre. Il rectifie vite le tir en faisant des bassins hors-sols. Il obtient de bons résultats. Il multiplie alors les piscines et élargit aussi ses jardins. Aujourd’hui, il a dans ses bassins plus de 6 000 poissons de différentes espèces. Grâce à l’eau de ces poissons contenant des effluents, ‘’Solo’’ fait de la production intégrée purement biologique. Les deux dernières promotions du centre ont été chacune, neuf mois durant, nourries à l’aide des productions issues de l’intégration de l’agriculture à la pisciculture sur le site du ‘’Centre professionnel de formation Tapsoba’’.
Grâce à sa capacité de résilience et d’adaptation, Souleymane Tapsoba commence à se frotter les mains car l’activité lui permet de dégager déjà des bénéfices de la formation de son centre.
Malgré que l’agriculture intégrée à la pisciculture soit pour lui une activité secondaire, Souleymane Tapsoba est un modèle dans l’utilisation de cette technologie qui promeut la production purement biologique. Mieux, il est prêt à partager son expérience avec tous les producteurs qui voudraient se lancer dans cette production intégrée durable et rentable. Humble, altruiste et gentil, l’homme est mari de deux épouses et père de sept enfants.
Abdoulaye Tienon