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Agriculture intégrée à la pisciculture : Une technologie à multiple avantages

L’agriculture intégrée à la pisciculture. Cette innovation technologique qui combine la production agricole à l’élevage du poisson mobilise beaucoup d’acteurs dans la région des Hauts-Bassins. Chercheurs en agriculture, en pisciculture, en pesticide biologique, en engrais naturels travaillent en bonne intelligence pour mettre à la disposition des producteurs la technologie pour réduire les coûts de production mais aussi pour une neutralité en matière de dégradation des sols. Certains producteurs sont déjà des ambassadeurs de l’agriculture intégrée à la pisciculture dans les Hauts-Bassins. Immersion dans les milieux de la recherche et de la production agricole et piscicole intégrée dans la région.

Gagner du poisson en amont et des produits agricoles en aval tous les douze mois de l’année, c’est bien possible. Des producteurs de la région des Hauts-Bassins expérimentent bien cette technologie innovante de production agricole durable mise en place par des chercheurs du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST). Spécialiste en céréales traditionnelles et auteur d’une quarantaine de variétés de maïs, Docteur Jacob Sanou est un des principaux concepteurs de cette pratique agricole. « L’agriculture intégrée à la pisciculture est une nouvelle pratique agricole que nous avons mis au point pour révolutionner l’agriculture au Burkina Faso. Cette technique agricole consiste à combiner l’élevage du poisson avec la production agricole. Ça permet d’avoir du poisson et l’eau de l’élevage du poisson est utilisée pour arroser les plantes en aval. Cette eau est chargée d’effluents riches en azote. Avec ces fertilisants, on n’aura plus besoin d’engrais chimiques pour fertiliser le champ irrigué », explique-t-il la technologie.

Pour Docteur Jacob Sanou, ce type d’agriculture fait partie des techniques culturales biologiques durables et rentables qui selon lui, permettra d’atteindre l’autosuffisance alimentaire au Burkina. En plus, l’agriculture intégrée à la pisciculture présente plusieurs autres avantages. « Cette agriculture maintient durablement les sols et permet d’accroitre la productivité. Si les producteurs se l’approprient, le pays gagnera doublement. L’importation du poisson va diminuer, les produits agricoles seront plus sains et suffisants et les sols garderont durablement leur fertilité », le docteur présente-t-il les avantages de la technologie.

Docteur Jacob Sanou, innovateur de la technologie agriculture intégrée à la pisciculture

Pour faciliter le développement de cette production intégrée, le spécialiste table sur la vulgarisation de la méthode. Il rassure aussi que cette pratique n’est pas seulement destinée aux petites exploitations. « Nous travaillons à la vulgarisation de l’agriculture intégrée à la pisciculture. Des producteurs se la sont déjà appropriée. Nous continuons de former et de sensibiliser d’autres producteurs à l’adoption de cette méthode de production innovante. Nous sommes en train de voir dans quelle mesure, nous pouvons empoissonner les bassins de collecte d’eau de ruissellement que la Sofitex a réalisé pour les producteurs de coton. Cela nous permettra de promouvoir plus facilement la pratique. Aussi dans les zones de grands barrages comme Sourou et Bagré, l’on peut retenir l’eau du barrage et faire de la production à grandes échelles avec des bassins empoissonnés. Un producteur peut ainsi produire sur une superficie qu’il veut pendant tous les douze mois de l’année et sans dépenser pour de l’engrais », lance Docteur Jacob Sanou à tous les producteurs agricoles et piscicoles du Burkina.

Les effluents piscicoles ont parfois besoin de compost complémentaire pour les plantes

Pour la pratique de l’agriculture intégrée à la pisciculture qui est une production à vocation biologique, les producteurs doivent souvent compter avec l’apport de compost complémentaire. Ce compost intervient lorsque la production en aval doit se faire sur des sols sableux ou très dégradés. Spécialiste de biofertilisants (engrais obtenus à base des déchets ménagers ou issus de la matière organique), Docteur Adèle Ouédraogo explique l’importance des engrais naturels qu’elle produit dans l’agriculture bio notamment celle intégrée à la pisciculture.

« Pour bien réussir l’agriculture biologique, il faut utiliser les biofertilisants. Ces engrais naturels enrichissent durablement les sols. Pour le cas de l’agriculture intégrée à la pisciculture, il est difficile de la pratiquer sur un sol dégradé ou sableux uniquement avec les effluents de poisson. Il faut nécessairement apporter des biofertilisants en complément. Avec les engrais naturels, on n’a plus besoin d’engrais chimique. Ce qui permet de préserver durablement nos sols de la dégradation. Il est clair qu’on peut se passer de l’engrais chimique quand on utilise bien les biofertilisants. Mais on ne peut pas se passer des biofertilisants quand on utilise l’engrais chimique. C’est donc dire que les engrais naturels contiennent tous les éléments nécessaires pour une bonne production et ce, dans la durabilité », explique Docteur Adèle Ouédraogo.

Docteur Adèle Ouédraogo, spécialiste de Biofertilisants

Convaincue de l’efficacité des engrais naturels, elle sensibilise et forme des producteurs à leur fabrication et utilisation. Elle invite parfois ces producteurs pour partager avec eux sa belle expérience sur ses sites de production de compost mais aussi dans ses parcelles d’expérimentation des engrais qu’elle fabrique à l’aide des déchets ménagers ou organiques.

En immersion sur un des sites d’expérimentation de Docteur Adèle Ouédraogo, des producteurs venus de toute la région des Hauts-Bassins apprécient bien les résultats des biofertilisants. Amoro Sanou est producteur venu du village de Léguéma. Il est émerveillé par les exploits des engrais naturels dans le champ école de la spécialiste. « C’est merveilleux ce que nous venons de voir. On constate que les plantes enrichies au compost présentent une meilleure physionomie que celles de la parcelle enrichie à l’engrais chimique. C’est une belle expérience qui va certainement nous inspirer », se réjouit-il.

Fatimata Ouédraogo pratique du maraichage dans la commune de Dandé. Pour elle, l’utilisation du compost pour la production des légumes est très satisfaisante. « Docteur Adèle Ouédraogo nous a déjà formé dans le processus de fabrication du compost. Personnellement, j’ai fait l’expérience en comparaison avec l’engrais chimique. J’ai constaté que les fruits des parcelles enrichies au compost se forment bien. Même quand ils mûrissent jusqu’à un certain degré, ils ne pourrissent pas. Au lieu de pourrir, ces fruits commencent à sécher. Par contre avec les fruits des parcelles où on a appliqué l’engrais chimique, les fruits pourrissent vite quand ils mûrissent. Les feuilles des plantes se fanent aussi vite tandis que les feuilles des plantes qui ont reçu le compost restent vertes jusqu’à la fin de la récolte. A partir de ce constat, nous sommes en train d’abandonner progressivement l’utilisation de l’engrais chimique au profit des biofertilisants », témoigne Fatimata Ouédraogo, cette productrice déjà convaincue de l’intérêt de l’utilisation des engrais naturels.

Tout comme eux, leurs camarades n’ont pas manqué d’emboucher la même trompette quant aux multiples avantages de l’utilisation des biofertilisants. Ils entendent changer leurs habitudes de production en utilisant exclusivement les engrais naturels qui, selon eux, réduisent les coûts de production mais préservent aussi durablement les sols.

Une promesse qui n’a pas manqué de réconforter Docteur Adèle Ouédraogo dans sa volonté de voir les engrais naturels remplacés progressivement les engrais chimiques qui selon elle, sont des vecteurs de dégradation rapide des terres cultivables au Burkina Faso.

Des pesticides naturels pour accompagner l’agriculture intégrée à la pisciculture

Les chercheurs du CNRST dans leur volonté de promouvoir l’agriculture biologique pour une production durable et rentable, travaillent en synergie. Dans le cadre de la production intégrée, une solution biologique aux maladies et aux ravageurs est nécessaire. Pour cela, Docteur Jacob Sanou et Docteur Adèle Ouédraogo peuvent compter sur l’expertise de leur collègue Docteur Oumarou Traoré, chercheur à l’institut de recherche en sciences appliquées et technologies (IRSAT). A la question de savoir en quoi consiste sa science, il donne des explications.
Des échantillons de biofertilisants

« Les biopesticides sont des pesticides naturels ou biologiques que nous mettons en place pour lutter contre les maladies des plantes et les ravageurs. Ce sont des produits cent pour cent naturels. Nous utilisons les feuilles, les écorces, les racines ou les grains de certaines plantes comme l’eucalyptus par exemple. Nous extrayons soit la sève soit l’huile des grains ou la poudre des écorces ou des racines auxquelles nous mélangeons d’autres éléments naturels pour traiter les plantes de manière naturelle. Les biopesticides, c’est en résumé l’utilisation du vivant pour combattre le vivant », Docteur Oumarou donne-t-il la définition scientifique des biopesticides.

Pour ce dernier, l’utilisation de ces produits naturels pour le traitement phytosanitaire des plantes présente plusieurs avantages. « Contrairement aux pesticides chimiques, avec les biopesticides, on peut traiter un champ et consommer immédiatement des produits issus de ce champ sans aucun risque. Aussi, ça permet de préserver l’écosystème car ces produits ne sont pas nuisibles pour l’environnement. Ça évite du coup la pollution de l’air et des eaux de surface », énumère-t-il quelques avantages des biopesticides même s’il précise que leur effet sur les plantes n’est pas immédiat. C’est pourquoi, il conseille aux producteurs qui veulent se lancer dans l’utilisation exclusive de ces produits à ne pas laisser les maladies se développer dans leurs champs avant de tenter de les traiter avec les biopesticides.

Du haut de ses multiples trouvailles, le phytopathologiste de l’IRSAT continue les recherches pour débusquer de sa science d’autres pesticides naturels pour compléter les efforts de ses deux collègues pour une agriculture purement biologique au Burkina Faso. Pour ce faire, Docteur Oumarou Traoré invite les producteurs agricoles à se tourner vers les pesticides naturels pour mettre à la disposition des burkinabè des produits agricoles sains pour leur santé. Toutefois, le chercheur se dit disponible pour former gracieusement les producteurs intéressés par la fabrication et l’utilisation des biopesticides car dit-il, la production biologique n’est possible sans les biopesticides.

L’agriculture intégrée à la pisciculture enregistre déjà de bons élèves dans les Hauts-Bassins

Loin des laboratoires et des sites d’expérimentation, certains producteurs font des merveilles avec la technologie agricole qui intègre la pisciculture à l’agriculture. Souleymane Tapsoba est mécanicien auto basé à Bobo-Dioulasso. Il dispose par ailleurs d’un centre de formation professionnelle situé à Dafinso à une dizaine de kilomètres de la ville sur la route nationale n°10. Doté d’un internat pour les pensionnaires, son centre accueille chaque année plusieurs dizaines d’apprenants. Les premières années de son expérience avec ses apprenants internés lui ont donné du fil à retordre.

Résilient, le mécanicien va trouver des moyens pour transformer sa difficulté de prise en charge alimentaire des pensionnaires en opportunité. Il imagine une technique de production sur les deux hectares de son champ où est bâti son centre de formation. Il entend ainsi parler de l’agriculture intégrée à la pisciculture. Il se forme et se lance dans la production intégrée. En trois ans d’expérience, Souleymane Tapsoba est plus que satisfait et se frotte déjà les mains. Avec environ six bassins piscicoles, il compte aujourd’hui plus de 5000 poissons de diverses espèces. Avec l’eau de ces bassins piscicoles, il exploite en aval des parcelles agricoles où il produit sur toute l’année du maïs, du haricot, de la patate, de l’aubergine, des oranges, de la papaye, des mangues et bien d’autres produits et ce, sans un seul grain d’engrais chimique.

Les bassins piscicoles d’où provient l’eau d’arrosage des plantes

Avec le poisson et les produits agricoles, il parvient maintenant à nourrir les pensionnaires de son centre de formation sans débourser de l’argent. L’activité lui réussit et il entend l’intensifier au fur-et-à-mesure que le nombre de pensionnaires de son centre augmentera. Il initie par ailleurs la plupart des apprenants de son centre à cette technique de production intégrée qui lui réussit très bien. Satisfait de son expérience avec la technologie, le producteur modèle est prêt à partager son savoir avec tout producteur qui veut se lancer dans l’agriculture intégrée à la pisciculture. « A priori, l’agriculture intégrée à la pisciculture est une pratique qui semble difficile. Mais en réalité, elle est passionnante et très rentable quand on la maitrise. On dépense peu et à l’arrivée on gagne plus. On constate aussi qu’avec l’eau des effluents de poisson, le sol prend du temps à se sécher. Ce qui atteste que la partie superficielle du sol est recouverte de nutriments qui absorbent abondamment la chaleur. Je conseille vraiment cette technologie à tous les producteurs qui veulent produire durablement et à moindre coût », conseille Souleymane Tapsoba.

Comme lui, Pascaline Sanou est une productrice agricole et piscicole basée dans le village de Panamasso à une vingtaine de kilomètres de la ville de Bobo-Dioulasso. Enseignante de son état, elle est aujourd’hui une productrice modèle dans l’agriculture intégrée à la pisciculture. Sa rencontre avec cette technique agricole relève du pur hasard. Elle faisait seulement de la production agricole quand l’envie d’élever du poisson lui prend. Elle s’y lance. Sans savoir que l’eau des bassins piscicoles contenait de la matière organique importante pour la production végétale, elle se débarrassait de cette eau dans la nature. « Un jour, je me suis dit que pourquoi ne pas irriguer mes parcelles avec l’eau des bassins au lieu de toujours la déverser dans la nature. Je n’ai plus attendu. Je me suis lancée. Quelques jours après je me suis rendue compte que les parcelles où je déversais l’eau des bassins restaient humides pendant longtemps et les plantes présentaient une belle physionomie. Et j’ai continué à arroser jusqu’au jour où j’ai entendu parler d’une formation sur la pisciculture et je me suis inscrite. C’est là-bas que j’ai appris que l’eau de l’élevage du poisson était riche en azote pour les plantes », explique-t-elle le hasard de sa rencontre avec la technologie.

Ainsi Pascaline Sanou abandonne progressivement l’utilisation de l’engrais chimique pour n’utiliser que l’eau des effluents de poisson pour irriguer ses parcelles de production agricole. Toute chose qui lui a permis de réduire considérablement le coût de sa production agricole. Produisant tous les douze mois de l’année, la quinquagénaire produit le manioc, la tomate, l’oignon, la banane, la papaye, le soja, le piment et d’autres spéculations. Elle se frotte les mains et n’entend pas s’arrêter là. Elle vise des formations en fabrication de compost et en fabrication de biopesticides pour parfaire sa production à vocation purement biologique. Ayant apprise la technique sur le tas, Pascaline Sanou est aujourd’hui une école ambulante en technique de production dans l’agriculture intégrée à la pisciculture.

Pascaline Sanou est une productrice agricole et piscicole basée dans le village de Panamasso

Sa retraite de la fonction publique programmée pour avril 2023, l’enseignante de profession entend bien parachever sa reconversion professionnelle pour une retraite dorée.

Comme producteurs modèles, Souleymane Tapsoba et Pascaline Sanou ne sont qu’un échantillon des producteurs de la région des Hauts-Bassins qui se sont appropriés la technologie avec laquelle ils font des merveilles.

Un tour d’horizon de la technique de l’agriculture intégrée à la pisciculture démontre à souhait qu’avec cette pratique, on gagne du poisson, on a de l’eau enrichie pour arroser des plantes, on a des produits agricoles et on a des sols durables. Le développement de cette technologie permettra au pays d’atteindre l’autosuffisance alimentaire mais aussi de réduire l’importation du poisson qui fait sortir du pays entre 90 et 100 milliards de FCFA par an. L’agriculture intégrée à la pisciculture, c’est en fin de compte une technologie qui permet de gagner en amont et de gagner en aval. Et des producteurs de la région des Hauts-Bassins ont déjà compris la leçon qui est en passe de faire d’eux des maitres.

Abdoulaye Tiénon/Ouest Info

La rédaction
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Ouest Info est un média en ligne basé à Bobo-Dioulasso dans la région de l’Ouest du Burkina Faso.

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