Auteur de plusieurs interpellations à l’endroit du gouvernement, au niveau de l’Assemblée nationale, le député Moussa Zerbo s’est finalement résolu à créer une structure de protestation contre le déclassement d’une partie de la forêt de Kua à Bobo-Dioulasso : le Mouvement pour la protection de la forêt de Kua (MPFK). Pour présenter sa nouvelle structure, le député voulait organiser une conférence de presse dans cette forêt- même, mais c’est finalement dans un jardin public de la ville que celle-ci s’est tenue dans la matinée du dimanche 26 mai 2019. Pour cause, le ministre de l’Administration territoriale vient d’interdire toute activité au sein de cette forêt.
Pourquoi autant d’acharnement sur la forêt de Kua ? Qu’est-ce qui s’y cache vraiment ? Ce sont là des questionnements jusqu’ici sans réponse et qui font dire le député Moussa Zerbo qu’il y a de la malhonnêteté de la part du gouvernement qui envisage de déclasser une partie de cette forêt, aux fins d’y construire un nouveau centre hospitalier. Ce, malgré la levée de boucliers au sein de population bobolaise qui propose un autre lieu pour ledit projet d’hôpital. Surtout que de surcroît le conseil municipal avait précédemment, en 2013, indiqué un autre site de 80 ha.
Le député Zerbo, qui est ressortissant de Bobo et par ailleurs président de la commission contre le changement climatique à l’Assemblée nationale ne veut pas rester là sans rien faire. Alors il a créé le Mouvement pour la protection de la forêt de Kua (MPFK), dans le seul et unique but de faire revenir le gouvernement sur sa décision.
Le député ne cache pas ses intentions. Le MPFK, soutient-il, ce n’est pas une organisation de la société civile qui est là pour se pérenniser ; il est initié juste pour fédérer les énergies pour la cause de la forêt qui, dit-il, est une cause nationale. A ce titre, le mouvement regroupe plusieurs structures issues des partis politiques, des syndicats, des OSC et même des internautes ainsi que des chercheurs de renom.
Le député Zerbo a ainsi organisé une conférence de presse dans la matinée du dimanche 26 mai 2019 à Bobo, pour présenter sa structure, mais aussi pour expliquer son engagement à défendre la forêt de Kua. Un engagement qui, il faut très vite lever l’équivoque, ne suppose pas qu’il faut annuler le projet de construction du CHU, bien au contraire, le député ainsi que les co-conférenciers du jour se disent clairement être en faveur du CHU, seulement veulent-ils que celui-ci soit réalisé sur son site initial à savoir, les 80 ha à Borodougou accordés par l’ancien conseil municipal.
Dans les plumes de Simon Compaoré et d’Alpha Barry
Pour répondre aux déclarations de Simon Compaoré, président par intérim du parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), lors de sa récente sortie médiatique et qui condamnait les agents des eaux et forêts pour leur sit-in dans cette forêt, Moussa Zerbo dit tout simplement que les forestiers sont bel et bien dans leur droit et leur rôle de protéger la nature. Du reste, actualité oblige, il a demandé lors de la conférence de presse une minute de silence pour les forestiers qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur fonction.
Dr Vinsoun Millogo, enseignant d’université et coordonnateur de l’IAD (Initiative pour une agriculture durable), était également au présidium de cette conférence de presse. Pour lui, le débat est simple, et par des termes purement techniques il a expliqué pourquoi il est contre le déclassement de la forêt de Kua. Textes de loi sur le foncier et sur les statuts et la gestion des forêts au Burkina Faso, les fonctions d’une forêt, que ce soit pour l’apaisement du climat, la médecine et même pour l’oxygénation… tout y passe. D’ailleurs, il n’a pas hésité à gratter le ministre des Affaires étrangères Alpha Barry qui, après une visite a dit qu’il n’y avait pas de forêt à Kua.
Pour le Dr Vinsoun Millogo, « le ministre des affaires étrangères a confondu une forêt classée et une zone boisée », oubliant aussi, dira-t-il, que les aménagements agricoles sont également permis dans ce genre de forêt
« Mensonge d’Etat »…
Le président du MPFK, Moussa Zerbo, lui, s’attaque surtout au gouvernement qu’il qualifie d’irresponsable. Il accuse le gouvernement d’avoir fait un « mensonge d’Etat » en disant que ce sont les Chinois (donateurs de l’infrastructure) qui ont choisi le site de la forêt pour abriter le futur CHU de Bobo, alors que l’ambassade chinoise réfute ces allégations.
Le député ne se prive pas non plus de donner un cours d’histoire en disant qu’aucun gouvernement du Burkina Faso n’a songé à classer une forêt du pays. Précisément à Bobo-Dioulasso, que ce soit la forêt de Kua ou celle de Kwinima ou de Dindèrèsso, toutes ces forêts ont été classées par le colon, selon lui. Et elles constituent la ceinture verte de la ville, soutient-il.
La forêt de Kua particulièrement renferme une nappe d’eau souterraine, la deuxième en termes de quantité en Afrique de l’Ouest, selon toujours Moussa Zerbo. En plus de cela, on y compte six sources dont une est intarissable. Pour confirmer ses propos, le député brandit la photo d’une borne de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) qui est implantée dans cette forêt.
A noter par ailleurs qu’une délégation gouvernement a rencontré les chefs coutumiers ainsi que les responsables du syndicat des eaux et forêts le samedi 25 mai à Bobo. C’était une rencontre à huis clos. Mais au sortir des discussions le ministre de l’Administration territoriale a livré une déclaration à travers laquelle il interdit désormais toute activité à l’intérieur de la forêt de Kua, jusqu’à ce qu’il soit mené une étude d’impact environnemental concernant la construction de l’hôpital sur les lieux.
« Irresponsabilité, manque de vision et rétropédalage dissimulé de la part du gouvernement qui se rend compte désormais que la population ne cèdera pas », rétorquera aussitôt Moussa Zerbo.
Quelques minutes juste après la conférence de presse, un groupe de manifestants qui sont favorables au choix de la forêt, non contents d’y trouver les organisateurs, est allé saccager les chaises et les tables du Jardin Kaboré où s’est tenue l’activité.
Wourodini Sanou