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Photographie : « Pour réussir dans ce métier, il faut écarter l’envie de chercher de l’argent tout de suite » (Paul Kabré)

Ce 19 août marque la journée mondiale de la photographie et ce, depuis 2010. A l’occasion de cette célébration, Ouest Info est allé à la rencontre de Paul Kabré. Doyen de la photographie burkinabè, il nous parle dans cette interview, de la photographie, des contraintes et exigences du métier de photographes, de ses expériences de plus de 50 ans d’exercice et des défis de la profession face au numérique. Lisez !

Ouest Info : Que représente la photographie pour vous ?

Paul Kabré : La photographie représente pour moi un moyen d’expression. C’est selon mon entendement, une possibilité de vivre le présent et garder pour la postérité. C’est la présence dans l’absence. Ça se réalise par une technique à l’aide de pellicules ou par des capteurs.

Ouest Info : Comment êtes-vous arrivés dans la photographie ?

Paul Kabré : Je suis arrivé dans la photographie par curiosité. J’ai voulu savoir comment on arrive à imprimer des images sur du papier. Je me souviens aussi que quand j’étais enfant, je revenais de l’école et un expatrié m’a vu au bord de la voie et m’a fait une photo. Ça m’a donné une sensation et jusqu’à présent je me demande ce qu’il a fait de cette photo. C’est le déclic. J’ai aimé la photo à partir de là. Et c’est à partir de 1973 que j’ai commencé la photographie. J’étais à Bouaké et je travaillais pour une chaine d’hôtel. J’avais trouvé un appareil photo qui m’a coûté1500f. A l’époque c’était une fortune. C’est avec cet appareil que j’ai appris à photographier. J’ai appris ça de manière autodidacte. C’était laborieux mais quand on aime, on y parvient toujours.

Ouest Info : Le métier de photographe nourrit -il son homme au Burkina Faso ?

Paul Kabré : ça peut nourrir son homme quand on est bien organisé. Il n’y a pas aussi seulement que le gain qui fait de moi un homme satisfait de la photo. C’est ma passion et quand je suis dedans, je ne cherche pas d’abord que ça me procure de l’argent. Je cherche à ce que ça me plaise. Je fais tout pour que mon sujet à photographier soit plaisant que ce soit la nature ou une personne qui est en face, qui m’accepte et me sourit le plus souvent. J’aime photographier les gens avec le sourire. J’aime tout faire pour mettre les gens à l’aise avant de les photographier.  Donc cette harmonie entre le sujet et moi, c’est déjà un gain pour moi. L’argent peut venir après mais je me contente beaucoup plus de la satisfaction que j’ai de faire ce qui me plaît.

Ouest Info : Quelles sont les exigences et contraintes du métier de photographe ?

Paul Kabré : Il faut aimer la photographie et avoir du matériel conséquent. Il faut aussi et surtout du sérieux car ça va du respect de soi-même avant que le sujet en face ne te respecte. Ça me fait penser à la photo luxe. Le promoteur était un devancier. Quand je suis allé lui dire que j’aimerais faire un studio, il m’a dit que « nous venons très tard dans un monde trop vieux ». Néanmoins, il va me donner des conseils pour réussir dans ce que je m’apprêtais à faire. Il m’a dit de faire attention en ces termes : “si vous avez un studio et des jeunes filles viennent pour des photos, il ne faut jamais leur faire la cour. Si vous draguez et que ça marche, tant mieux. Mais si elles refusent, elles sortiront le dire à d’autres et à leurs copines et vous allez perdre votre clientèle. Il ne pas aussi avoir peur de la clientèle”. C’est avec ces conseils que j’ai fonctionné en partie. Cela veut dire qu’en tant que photographe, il faut prendre son métier au sérieux et aimer faire du bon travail. C’est ce qui fait la renommée d’un photographe et lui attire de la clientèle.

Ouest Info : Quels ont été les sujets de photographie qui vous ont le plus inspiré durant votre carrière ?

Paul Kabré : Ce qui me plaît, c’est la nature mais nous évoluons dans un mode où les gens n’ont pas le temps de contempler la nature. Ici, on trouve peut-être que c’est occidental. Mais il y’a un sujet que j’ai traité avec le cœur et qui a vraiment pris la toile. C’était sur la maladie mentale. J’ai essayé d’interpeller les gens sur les malades mentaux. Il y’a un petit livre, un documentaire et des photos.

Ouest Info : Quelles ont été les expériences les plus mémorables de votre carrière ?

Paul Kabré : Les différents voyages que j’ai fait à travers la photographie m’ont donné beaucoup de satisfaction. C’est par la photographie que je suis allé d’un avion à un autre. Ç’a été un fort sentiment de satisfaction et de bien être pour moi. La photographie m’a fait voir Bamako, paris, Bruxelles, Alger, l’île de la Réunion, Barcelone, Montréal, etc.

Ouest Info : Quelle est l’évolution que vous avez constaté dans la photographie du début de votre carrière à aujourd’hui ?

Paul Kabré : On est passé de l’analogique au numérique. On a travaillé avec des appareils 6.6. Aujourd’hui, ç’a beaucoup évolué. Maintenant on n’a plus besoin d’apprendre beaucoup pour faire une photo. C’est carrément différent de ce que nous faisions. ll fallait d’abord voir et apprécié la distance avec son sujet et voir la lumière qu’il y’a autour et comment il faut diminuer cette lumière car la lumière sert beaucoup pour la photo mais elle peut aussi détruire.

Ouest Info : Quel regard portez-vous sur la photographie burkinabè ?

Paul Kabré : Je dirais que c’est un métier qui résiste. Sinon c’est un domaine qui n’est pas bien structuré. Cela fait qu’il n’est pas valorisé comme il se doit. Il y a d’excellents talents en photographie ici au Burkina Faso. Mais pourquoi allez chercher des photographes à l’étranger pendant qu’il y en a au Burkina Faso qui peuvent faire mieux le travail. Ce n’est pas de l’acharnement mais le cas qui m’a le plus touché, c’est le président Kaboré a fait venir une photographe de France pour ses photos officielles. Il y avait bel et bien des compétences au Burkina pour le faire. C’est donc dire que le domaine de la photographie doit bien se structurer et se faire respecter.

A lire aussi-Paul Kabré : L’homme a qui la photographie a ouvert les portes du monde

Ouest Info : Qu’avez -vous apporté au Burkina Faso grâce à votre talent de photographe ?

Paul Kabré : Je peux dire que j’ai apporté ma modeste contribution au rayonnement du Burkina Faso à l’étranger. Et peu partout où je suis passé et quand on sort, j’entends toujours dire ‘’c’est le Burkinabè Paul Kabré’’. Je pense que ça donne envie de visiter le Burkina quand on ne connait pas le pays. J’ai réalisé récemment un photobook sur le patrimoine culturel et touristique de la région des Hauts-Bassins.

Ouest Info : Quels conseils avez-vous à donner aux passionnés ou aux jeunes photographes qui aspirent à réussir dans le domaine ?

Paul Kabré : Pour bien réussir dans la photographie, il faut écarter l’envie de chercher de l’argent tout de suite. Il faut le faire d’abord par passion avant de devenir quelque chose. Il faut aimer ce qu’on fait. Si on aime ce qu’on fait, on le fait bien. Et c’est comme ça qu’on peut réussir dedans. Pour ce qui me concerne, j’ai fait 24 ans le domaine de l’hôtellerie et je faisais parallèlement mes photos. Mais je descendais de mon boulot à 13h30 et que je rentre dans mon bureau pour le traitement des photos, c’est souvent l’appel à la mosquée du petit matin qui me fait savoir qu’il est 4h du matin. Or je n’ai jamais senti le temps passé. Mais c’est tout simplement parce que je le faisais par passion. Je conseille donc à tous ceux qui veulent réussir dans la photographie à exercer le métier par passion.

Ouest Info : Merci beaucoup à vous Monsieur Kabré de nous avoir accordé cet entretien.

Paul Kabré : Merci à vous pour l’intérêt accordé à ma personne.  

Interview réalisée par Nassiratou Nongdo Nebié / stagiaire (Ouest Info)

La rédaction
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Ouest Info est un média en ligne basé à Bobo-Dioulasso dans la région de l’Ouest du Burkina Faso.

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