Dans la commune de Bama, des femmes s’illustrent dans la production cotonnière. Elles sont nombreuses à s’adonner à cette activité agricole. Du village de Soungalodaga 1 à Samendéni en passant par Sangouléma, la production cotonnière peut compter avec les femmes. Engagées dans cet élan de production depuis plusieurs années pour la plupart d’entre elles, elles sont convaincues que la culture de coton est bénéfique nonobstant les aléas des campagnes des dernières années. Un tour dans les exploitations cotonnières de ces femmes a permis de mieux comprendre leur degré d’engagement dans la production de « l’or blanc ».
La production cotonnière a l’air d’avoir un visage masculin au Burkina Faso. C’est en effet, une activité qui occupe généralement les hommes. Mais dans le département de Bama, des femmes ont déconstruit cette perception. Elles produisent bien le coton et bien mieux que certains hommes.
Certaines le font, il y a près de 20 ans. C’est le cas de Fatoumata Sanou. La cinquantaine bien sonnée, elle exploite 3,5 hectares. La physionomie de son champ présente bonne mine. En phase de capsulaison, elle espère un bon rendement pour se consoler de ses mauvaises performances des deux dernières campagnes cotonnières.
Des contre-performances qu’elle justifie par l’invasion des ravageurs. Pour se mettre à l’abri pour la campagne en cours, Fatoumata Sanou observe scrupuleusement l’itinéraire technique des agents de la Société Nationale des Fibres Textiles (SOFITEX) commis à son encadrement.
En plus de son champ de coton, elle tient aussi un champ de cultures vivrières d’un (01) hectare. Cette parcelle répond au principe de la SOFITEX qui veut que pour trois (03) hectares de production cotonnière, le producteur bénéficie d’un (01) hectare d’intrants pour la production vivrière. Cette politique vise à éviter que la culture de coton n’empiète sur la production vivrière.
La rotation culturale, technique de bons rendements des productrices cotonnières de Bama
Pour Fatoumata Sanou, l’accompagnement en intrants par la SOFITEX lui permet de faire de bonnes récoltes céréalières. Chose qui met sa famille en sécurité alimentaire. Ainsi avec les revenus de coton, elle aide son mari avec les charges de la famille.
La quinquagénaire tire une bonne partie de son succès en cotonculture dans la technique de rotation culturale sur les terrains de production mis à sa disposition par son époux. Avec le manque de terres agricoles, c’est la meilleure façon, selon la productrice, de faire de bons rendements. « Quand j’ai commencé la culture de coton, j’ai constaté que ç’a beaucoup d’avantages. Elle permet d‘avoir des intrants pour la production céréalière. Il faut savoir aussi que le cotonnier restaure en quelque sorte les sols. C’est pourquoi je pratique la technique de rotation culturale. Avec cette technique, j’alterne le coton et les cultures vivrières sur ma parcelle de production. Ça permet au sol de ne pas s’appauvrir. C’est ça le secret de mes bons rendements dans la production cotonnière », Fatoumata Sanou se confie-t-elle avant d’ajouter que les rendements en céréales sont également bons après la production de coton sur une parcelle.
Un constat confirmé par Doda Jeanne Sanou, une autre productrice de coton à Soungalodaga 1, un autre village de la commune de Bama. Pour la présente campagne, elle a emblavé une superficie de 2,5 hectares.
Elle est dans la production cotonnière, il y a plus de 10 ans. Avec cette expérience, son champ de coton présente une belle physionomie. Elle attend un bon rendement à la fin de la campagne en cours. Excellente productrice de coton, elle est aussi une bonne productrice de céréales et d’oléagineux.
Avec le soutien de son mari, elle tire bien profit de la culture de coton. En effet, son époux met à sa disposition des parcelles sur lesquelles, elle arrive à pratiquer la rotation culturale. Pour cette quadragénaire, la culture de coton est beaucoup plus rentable que toutes les autres espèces culturales.
Elle ne regrette pas de s’y être engagée. « Je suis entrée dans la culture de coton par curiosité. Mais je me suis rendue compte que c’est une activité très rentable. C’est pourquoi, je produis depuis maintenant plus de 10 ans sans arrêt. J’ai commencé avec un demi hectare et aujourd’hui, je suis à 2,5 hectares. Avec la physionomie actuelle des cotonniers, je suis optimiste pour la présente campagne », explique la productrice de coton de Soungalodaga 1.
Do Michel Sanou est l’époux de Doda Jeanne Sanou. Gros producteur de coton, il se réjouit du fait que sa femme ait bien embrassée la production de coton. Selon lui, cette activité est sa première source de revenu de son épouse depuis plusieurs années. C’est la raison pour laquelle, il n’hésite pas, dit-il, de la soutenir.
Un soutien qui permet à la quadragénaire de bien tirer son épingle du jeu. « Quand elle m’a dit qu’elle voulait se lancer dans la production de coton, je n’ai pas hésité à l’encourager. J’ai mis une parcelle à sa disposition. Au fil des années, j’ai augmenté la superficie de sa parcelle de production. En tant que femme productrice, on a l’impression que l’activité lui est plus bénéfique par rapport aux hommes producteurs que nous sommes. Après les campagnes, elle se frotte mieux les mains. En tant que chef de famille, cela m’aide aussi. Il y a des dépenses qu’elle arrive à faire d’elle -même sans me demander quoi que ce soit. Ça fait donc un plus pour la famille », Do Michel Sanou apprécie-t-il l’engagement et la détermination de sa femme dans la production cotonnière.
Avec cette belle expérience, il invite les femmes de sa localité à emboîter les pas de son épouse dans la production de coton. Ce qui permettra selon Do Michel Sanou, de booster non seulement la production cotonnière mais aussi l’économie rurale.
Les productrices à l’épreuve des aléas de la production cotonnière
L’invite de Do Michel Sanou trouve écho favorable chez Zénabo Ouédraogo, une jeune productrice de coton à Samendéni. Tenant une exploitation de 0,5 hectare pour la présente campagne, la jeune femme entend augmenter sa superficie les campagnes à venir pour peu que les conditions favorables à une bonne production s’y prêtent.
Du haut de ses trois (03) ans d’expérience dans cette activité agricole, elle se frotte déjà à des difficultés. Pour elle, les deux (02) dernières campagnes ont donné du fil à retordre aux producteurs. « Je suis à ma troisième année de production cotonnière. Ce sont les bons rendements de mon mari qui m’y ont attiré. Mais mes deux (02) premières expériences n’ont pas été très bonnes. Ç’a coïncidé avec l’arrivée des ravageurs qui ne m’ont pas permis de faire de bons rendements. Mais cela ne me décourage pas. Cette année, je nourris l’espoir de faire une bonne campagne car on a pu prévenir l’attaque des ravageurs », Zénabo Ouédraogo fait-elle mention des aléas de ses trois (03) d’expérience dans la production cotonnière.
Les difficultés énumérées par la jeune productrice sont aussi partagées par Fatoumata Sanou qui totalise plus d’une quinzaine d’années d’expérience dans la culture de coton. Elle fait savoir qu’avant 2015, il était possible pour elle de faire un rendement d’une tonne à l’hectare. Mais aujourd’hui, avoir 800 kilogrammes à l’hectare est une prouesse. « Au moment où on produisait l’ancienne variété de coton, on pouvait avoir en moyenne une tonne à l’heure. Mais avec la variété actuelle, le traitement est plus long et le rendement est faible. Actuellement, on fait entre 600 et 700 kilogrammes à l’hectare. Nos revenus ont beaucoup baissé. Mais on ne peut pas abandonner cette culture car elle nous aide à pratiquer la rotation culturale. Ce qui nous permet de préserver la fertilité de nos sols. Il y a aussi que la production de coton favorise la production des cultures vivrières car on ne peut pas produire le coton sans s’intéresser aux cultures vivrières. C’est pourquoi je suis toujours dans la culture de coton malgré les difficultés », Fatoumata Sanou décrit-elle sa résilience dans la culture de coton malgré les contraintes.
La résilience de Fatoumata Sanou, une productrice engagée
La résilience de Fatoumata Sanou dans la productrice se traduit par ses superficies d’exploitation qui évoluent en dent de scie. En effet, elle a commencé la production cotonnière en 2008 avec 0,5 hectare de superficie. Au fil des années, elle a fait évoluer progressivement cette superficie pour atteindre 7,5 hectares.
Avec l’arrivée du coton conventionnel, les nouvelles exigences de production ont mis à rude épreuve les capacités de grande productrice de coton de Dame Fatoumata Sanou. Les deux (02) dernières campagnes ont connu l’invasion des ravageurs qui ont éprouvé les producteurs de coton du Burkina Faso sans épargner la mère de famille âgée de 55 ans. Le poids de l’âge combiné à la rareté des terres agricoles pousse la productrice à passer de 7,5 hectares à 3,5 hectares pour la campagne en cours.
Julien Traoré est le conseiller départemental de l’Union Nationale des Producteurs de Coton (UNPCB) du département de Bama. Il fait savoir que les productrices de coton que nous avons pu croiser ne sont qu’un échantillon des femmes qui s’adonnent à la production de coton dans sa zone de couverture professionnelle.
Leur part d’exploitation est le plus souvent greffée à celle de leurs époux également producteurs de coton. « Les parts de production des femmes sont associées à celles de leurs époux. Pour faire partie d’un Groupement de producteurs de coton (GPC), il faut d’abord être immatriculé comme producteur. Or généralement, les femmes ne sont pas immatriculées parce qu’elles ne possèdent pas de parcelles de production en leurs noms. Ce qui explique le fait que leurs productions se greffent à celles de leurs époux. C’est la raison pour laquelle leur part contributive à la production cotonnière est difficilement quantifiable. Ce sont en réalité les époux des femmes productrices de coton qui connaissent leur capacité de production », Julien Traoré explique-t-il les raisons de l’effacement apparent des femmes dans les groupements de producteurs de coton bien qu’elles soient des actrices actives de la production cotonnière dans le département de Bama.
De toute évidence, les productrices de coton de la localité que nous avons croisées se montrent résilientes face aux nouveaux facteurs qui compliquent davantage la culture de coton.
Ces femmes souhaitent que des mesures soient prises pour inciter de potentielles productrices à s’engager dans la culture cotonnière. La réduction du coût des intrants et des méthodes efficaces de lutte contre les ravageurs sont les préoccupations de ces braves femmes productrices de coton des villages de Soungalodaga 1, de Sangouléma et de Samendéni.
Elles ont le regard tourné vers la SOFITEX et l’UNPCB pour leur faciliter les conditions de production cotonnière afin d’apporter convenablement leur touche à une relance durable de la filière.
Abdoulaye Tiénon/Ouest Info