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Production cotonnière au Burkina : Une filière porteuse en chute libre

La production du coton au Burkina Faso connait des contreperformances depuis 2016. Ce constat est vraisemblablement lié au retour à la culture du coton conventionnel en 2016 et ce, après son abandon en 2008. Depuis la réintroduction de cette variété de coton, plus rien ne va dans la production cotonnière au pays des Hommes intègres notamment dans la zone de production de la Société Burkinabè des Fibres Textiles (Sofitex) qui couvre la partie ouest du pays. Défections de producteurs de la culture du coton, réduction de superficies de production de certains autres cotonculteurs, baisse de rendements, utilisation excessive de pesticides, pénibilité du travail de production constituent entre autres des difficultés entrainées par la culture du coton conventionnel au Burkina Faso depuis la campagne cotonnière 2016-2017. La courbe des performances est descendante campagne après campagne. Et nombreux sont les producteurs qui semblent regrettés l’abandon de la culture du coton génétiquement modifié (CGM) couramment appelé coton Bt. Relancer durablement la production cotonnière au Burkina Faso avec ou sans le coton conventionnel, diagnostic d’une filière porteuse en chute libre.

Il est vieux. Aujourd’hui, il se déplace sur un vieux vélo rouillé. Quelques années plutôt, il menait une vie tranquille et prospère à Yabasso, son village. Bien connu dans ce village comme une ancienne gloire de la production cotonnière, il ne lui reste plus que des souvenirs. Des souvenirs de cette belle époque où il palpait des millions de francs CFA à la fin de chaque campagne cotonnière. Alors producteur de coton modèle, il était président du Groupement de producteurs de coton (GPC) dénommé “GV-Yabasso”. Il était aussi président de l’Union départementale de producteurs de coton de Lèna. C’était également lui le trésorier général de l’Union provinciale de producteurs de coton du Houet. Aujourd’hui, toutes ces casquettes et attributs ne sont plus que des traces de son glorieux passé de cotonculteur. Lui, c’est Ouoba Millogo, un ancien producteur de coton désenchanté par la culture de l’or blanc depuis 2016.

Ouoba Millogo, ancien producteur de coton désenchanté par la culture du coton conventionnel

Nous sommes en pleine campagne cotonnière 2024-2025. La soixantaine bien sonnée, Ouoba Millogo ne produit plus de coton depuis la deuxième campagne (2017-2018) de retour du coton conventionnel. Il vit désormais avec la crainte de sombrer dans la pauvreté. Mais sa décision semble irrévocable face à la culture du coton conventionnel. Ne plus jamais mettre une seule graine de coton en terre. « Dès la première campagne du coton conventionnel, je suis tombé à 140 000 FCFA d’impayé. J’ai décidé d’arrêter car avec le coton Bt, je gagnais beaucoup d’argent à la fin de chaque campagne », nous confie l’ancien producteur. D’une voix passionnée, il se dit visiblement scandalisé par la réintroduction de la variété conventionnelle dans la chaine de production cotonnière. Il perçoit cette décision comme un passage en force de la Sofitex contre la volonté des producteurs. Dépité, Ouoba Millogo raconte son calvaire d’une campagne dans la production du coton conventionnel. Entre pénibilité du travail, danger de l’abondante utilisation des pesticides et contreperformances successives, le récit de l’ancien producteur est saisissant. Il met à nu une dure face cachée de la production du coton conventionnel. Une simple évocation comparative entre le coton conventionnel et le coton Bt (Bacillus thuringiensis) suffit pour que les émotions de Ouoba Millogo remontent à la surface. Par lui, on est tenté de croire que le retour du coton conventionnel dans les champs des producteurs semble faire de gros dégâts dans la vie des cotonculteurs.

« Quand je produisais le coton Bt, je faisais juste deux (02) traitements phytosanitaires par campagne. Ces deux (02) traitements n’étaient d’ailleurs pas obligatoires. Je récoltais souvent plus de 1,5 tonne à l’hectare. Mais avec le coton conventionnel, on fait au minimum sept (07) traitements par campagne. Ce qui est pénible pour tout producteur et encore plus pour quelqu’un de mon âge. Il y a aussi que les cotonniers de la variété conventionnelle résistent peu à la sécheresse. Avec toutes ces difficultés dans la production, avoir 800 kilogrammes à l’hectare est un exploit. C’est d’ailleurs cette pénibilité combinée aux faibles rendements du coton conventionnel qu’on nous a imposé qui, m’ont fait arrêter la culture du coton », foi du sexagénaire.

Les contreperformances du coton conventionnel en chiffres

CampagnesSuperficies totales emblavées en haProduction globale en tonnesRendements en kg/ha
2013-2014 (coton Bt)500 300508 1681016
2014-2015 (coton Bt)527 150565 9991074
2015-2016 (coton Bt)518 394 489 682  945
2016-2017600 993544 500  906
2017-2018689 860448 886  651
2018-2019469 331318 555  678
2019-2020458 493367 021  800
2020-2021470 424426 451  906
2021-2022514 734450 000  874

Source des données : Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB).

Ce tableau montre les résultats de la production du coton Bt puis conventionnel dans la zone Sofitex. On constate que les rendements des deux (02) avant-dernières campagnes de production du coton Bt sont supérieurs à une tonne à l’hectare. Bien que moins d’une tonne à l’hectare, le rendement de la dernière campagne du coton Bt (2015-2016) est supérieur aux rendements successifs des six (06) premières campagnes du coton conventionnel. On peut remarquer que depuis la campagne 2016-2017 marquant le retour du coton conventionnel dans les champs des producteurs, les rendements ont dégringolé pour atteindre 651 kg comme rendement moyen à l’hectare pour la campagne cotonnière 2017-2018.

C’est cette même campagne qui a enregistré la plus grande superficie totale emblavée dans la zone de production de la Sofitex. Les deux campagnes (2018-2019 et 2019-2020) qui ont suivi cette campagne de la plus grande dégringolade, ont enregistré les plus faibles superficies emblavées de la zone Sofitex.

Ce qui laisse entrevoir une sorte de lassitude des producteurs après de vains efforts pour remonter la pente. Sur foi des données statistiques ci-dessus, on peut constater que depuis la reprise de la production du coton conventionnel, les rendements sont inférieurs à une tonne à l’hectare. Cette baisse de rendement est doublée d’une pénibilité accrue du travail de production.

« Avec le coton conventionnel, on travaille plus pour gagner peu »

Face à la pénibilité et aux contreperformances enregistrées dans la production du coton conventionnel, des producteurs ont réduit leurs superficies de production. C’est le cas de Fatoumata Sanou de Sangouléma dans la commune de Bama et de Amadou Sanou de Walana dans la commune de Lèna.

De 7,5 hectares, Fatoumata Sanou s’est retrouvée avec seulement 3,5 hectares les trois dernières campagnes cotonnières (2022-2023 ; 2023-2024 ; 2024-2025). Comme cause, la quinquagénaire indexe la pénibilité du travail de production et les faibles rendements du coton conventionnel. « J’ai commencé la culture du coton quand c’était le coton Bt. On ne faisait que deux (02) traitements qui, d’ailleurs, étaient souvent facultatifs. Les rendements étaient bons car j’obtenais plus d’une tonne à l’hectare. Mais depuis que l’on est revenu à la production du coton conventionnel, en tant que femme, c’est un calvaire. On souffre avec les multiples traitements qu’on est obligé de faire. Malgré ces efforts, à la fin de la campagne, on s’en tire avec presque rien », explique Fatoumata Sanou qui digère mal le retour du coton conventionnel.

Fatoumata Sanou, productrice de coton montrant les anciennes limites de sa superficie de production qui est passée de 7,5 ha en coton Bt à 3,5 ha en coton conventionnel

D’un ton résigné, elle fait savoir qu’un seul intérêt la maintient dans la production cotonnière. « Pour être sincère, je dirai que je suis toujours dans la culture du coton pour continuer à bénéficier de l’engrais dont on est doté pour la culture céréalière. Si j’abandonne la culture du coton, je vais perdre cet avantage. Sans autre source de revenus, je ne pourrais pas aider mon mari à assurer pleinement les besoins alimentaires de la famille. Sans ce besoin, le coton conventionnel m’aurait fait abandonner la culture cotonnière depuis longtemps à cause de ses contreperformances et de ses dures conditions de production », avoue dame Sanou.

Quant à Amadou Sanou de Walana, il a tenu une superficie de production cotonnière de cinq (05) hectares pendant plusieurs années. Mais au cours des quatre (04) dernières campagnes, il a réduit sa superficie à quatre (04) hectares pour pouvoir tenir le coup. Pour ce producteur, les conditions de production se sont durcies. Sans main d’œuvre, c’est difficile de pouvoir respecter le nouvel itinéraire technique quand on sait, souligne-t-il, que le travail des enfants est proscrit dans la production cotonnière. « C’est la pénibilité du travail de production du coton conventionnel qui m’a amené à réduire ma superficie de production. Avec le coton Bt, la production était simple. On pouvait même se permettre de ne pas traiter ses cotonniers et faire un très bon rendement. Mais avec le coton conventionnel, on travaille plus pour gagner peu. Si je prends seulement le cas des traitements, il est difficile pour une seule personne de pouvoir les faire normalement sur une grande superficie sans s’exposer aux dangers des pesticides. C’est pourquoi j’ai réduit la taille de ma parcelle de production », Amadou Sanou nous partage son expérience dans la production du coton conventionnel.


Courbe évolutive des rendements du coton Bt au coton conventionnel  

               

Source des données : Union Nationale des producteurs de Coton du Burkina (UNPCB)

« Avec le coton Bt, on ne faisait que deux traitements de pesticides et on récoltait mieux »

Bakary Sanou est un ancien producteur de coton basé à Niamadougou, un village situé à un jet de pierre de la ville de Bobo-Dioulasso sur la route nationale 1. Son histoire avec la production cotonnière remonte à 1996. Il a une longue expérience dans la production du coton conventionnel. Il en a produit jusqu’en 2008. Une année au cours de laquelle les producteurs de coton du Burkina basculent dans la culture du coton génétiquement modifié (CGM) couramment appelé coton Bt.

Pour lui, c’est à partir de cette période d’introduction du coton Bt que la production cotonnière a vraiment séduit beaucoup de producteurs. D’une voix qui camoufle mal sa nostalgie, cet autre sexagénaire raconte qu’il a connu ses plus fortes performances avec le coton Bt. « Avec le coton Bt, on ne faisait que deux traitements de pesticides et on récoltait mieux », ressasse-t-il.

Bakary Sanou, ancien producteur de coton poussé hors de la filière par les contreperformances du coton conventionnel

Outre la complication dans les travaux de production et les contreperformances enregistrées, Bakary Sanou est convaincu que l’abondante utilisation des produits agrochimiques notamment les pesticides, n’est pas sans effets sur la santé des producteurs. Bakary Sanou est également sûr que les millions de litres de pesticides déversés dans la nature à chaque campagne ne peuvent être sans conséquences pour l’environnement et les cours d’eau.

« Par rapport au coton Bt, la culture du coton conventionnel n’apporte aucun avantage au producteur qu’au contraire il appauvrit. Les multiples traitements exposent aussi les producteurs à des maladies. On n’a pas de combinaison de protection pour les traitements. Or durant tout le cycle du coton conventionnel, on est obligé de faire en moyenne un traitement chaque deux (02) semaines. Je pense qu’on n’a pas besoin d’être un expert pour savoir que c’est un danger pour notre santé », affirme Bakary Sanou.

L’ancien producteur de coton de Niamadougou s’insurge par ailleurs contre les millions de litres de pesticides déversés dans la nature à chaque campagne cotonnière depuis 2016. Alors qu’on pouvait, souligne-t-il, éviter cela en maintenant la culture du coton Bt. « L’argument du problème de la longueur de la fibre du coton Bt est un faux débat. Je suis un paysan mais je sais que beaucoup de pays produisent ce coton et le vendent bien sur le marché mondial sans difficulté. Je pense qu’on a tout simplement politisé la filière. Je ne sais pas si la Sofitex a un intérêt particulier dans la production du coton conventionnel puisque c’est elle qui nous l’a imposé. Sinon pour le producteur, ce n’est que la misère. Avec sept (7) à neuf (9) traitements par hectare et par campagne, imaginez-vous combien de millions de litres de produits chimiques la production du coton conventionnel fait déverser dans la nature chaque année. Ce n’est pas sans conséquences sur la santé des cotonculteurs et sur l’environnement », Bakary Sanou analyse froidement la situation d’un ton qui laisse transparaitre son mal être.

On ne dispose pas de chiffres officiels mais beaucoup de producteurs comme Ouoba Millogo et Bakary Sanou ont abandonné la culture de coton face aux dures réalités de production de la variété conventionnelle. C’est le cas des producteurs du Groupement de producteurs de coton (GPC) de “Nambébé” à Natema, un village du département de Bama.

Ces producteurs ont abandonné la culture de coton à partir de la campagne 2024-2025. Cela fait suite à des impayés de campagnes antérieures que leur groupement n’a pu supporter. “Sabugnouma” est un autre Groupement de producteurs de coton (GPC) à Soungalodaga 1 toujours dans le département de Bama. Ce GPC est sur le point de jeter l’éponge car il vient de tomber en impayé pour la deuxième fois consécutive (campagnes 2023-2024 et 2024-2025).

En effet, un GPC regroupe plusieurs producteurs à quelques rares exceptions où un producteur capable de produire au moins 40 tonnes de coton peut former à lui tout seul un GPC. Ainsi avec des GPC entiers qui abandonnent la production, on peut déduire que de plus en plus, des producteurs tournent dos à la culture du coton. Tous accusent le coton conventionnel d’être à l’origine de leur démission de la filière.

Cet abandon de la production par certains producteurs et la réduction de superficies par d’autres sont des facteurs qui accentuent vraisemblablement les contreperformances d’une filière à la mamelle abondante pour la vie socioéconomique nationale.

Aboubacar Bamouni, la lutte d’un leader d’OSC pour le coton Bt

Aboubacar Bamouni est leader d’organisation de la société civile. Il est le coordonnateur du Collectif citoyen pour la science et le développement durable par ailleurs président du Mouvement pour le développement et l’éveil social. Il a lutté aux côtés de producteurs pour le maintien du coton Bt dans la chaine de production cotonnière. A travers les structures associatives qu’il dirige, il a sillonné plusieurs régions cotonnières de la zone Sofitex pour inviter les producteurs à éviter de faire cavaliers seuls. Ils devraient s’unir, regarder dans la même direction, parler d’une seule et même voix pour que le coton Bt soit maintenu dans les champs de coton. De la région de la Boucle du Mouhoun aux Cascades en passant par le Sud-Ouest et les Hauts-Bassins, Aboubacar Bamouni et ses camarades ont inlassablement prêché auprès des producteurs de coton la nécessité d’exiger le maintien du coton Bt.

« Pour l’avoir expérimenté avant l’introduction du Bt, les producteurs connaissaient très bien le coton conventionnel et sont conscients de la pénibilité de son travail de production. C’est d’ailleurs parce que le conventionnel a posé un souci qu’ils sont allés vers le Bt. On n’a donc pas eu besoin de beaucoup d’arguments pour les convaincre. Partout où nous sommes passés, les producteurs étaient d’accord avec nous et ont pris l’engagement de ne pas produire si toutefois on ramène le coton conventionnel », raconte Aboubacar Bamouni.

Aboubacar Bamouni, leader de la société civile qui a lutté aux côtés des producteurs pour le maintien du coton Bt

La tournée de sensibilisation de l’organisation de la société civile aussitôt terminée, souligne Aboubacar Bamouni, le directeur général de la Sofitex d’alors Wilfried Yaméogo a organisé une contre-campagne pour mobiliser les producteurs autour de la production du coton conventionnel qui était déjà prêt à revenir dans leurs champs.

Une démarche qui, selon Aboubacar Bamouni, a désorganisé la lutte et divisé les producteurs entre partisans et opposants au retour du coton conventionnel. Malgré les gros moyens déployés par la Sofitex, à en croire le leader de la société civile, les producteurs de certaines zones de production sont restés opposés au retour du coton conventionnel.

C’est le cas du Kénédougou où les localités de Kourouma et N’Dorola ont catégoriquement refusé de produire le coton pendant la campagne 2016-2017.

« Quand nous sommes arrivés dans le Kénédougou pendant notre tournée, nous avons été reçus par Feu Ladji Barro qui a été un pilier pour l’instauration du coton Bt au Burkina Faso. C’est lui, François Traoré (ndlr: premier président de l’UNPCB) et d’autres producteurs qui ont expérimenté le coton Bt avant son adoption. C’est eux qui avaient convaincu les paysans réticents des avantages du coton Bt. Et quand les paysans s’y sont lancés, ils ont constaté que ce coton était effectivement avantageux et moins fatigant que le conventionnel. C’est après nous avoir reçu que Feu Ladji Barro, alors personne ressource dans le Kénédougou, a réuni les chefs de terre et les a demandés d’impliquer les fétiches pour la réussite de la lutte. C’est ainsi que nous les avons accompagnés sur les fétiches à Kourouma. Quand ils ont fini le travail, ils ont dit que personne ne mettra une seule graine de coton en terre dans la localité sinon elle subira les représailles des fétiches. Et effectivement aucun producteur n’a semé une seule graine de coton à Kourouma et à N’Dorola pendant la première campagne du retour du coton conventionnel et ce, malgré les missions de haut niveau qui ont tenté d’inverser la tendance », Aboubacar Bamouni explique l’implication de ses OSC dans le refus du Kénédougou de produire le coton pendant la campagne 2016-2017.

Aboubacar Bamouni justifie son engagement d’alors pour le maintien du coton Bt pour ses multiples avantages en termes de conditions de production, de rendement et de faible utilisation de pesticides. Le leader d’OSC affirme qu’aujourd’hui l’histoire lui donne raison.

Pour lui, les chutes et rechutes successives de la production cotonnière des dix (10) dernières campagnes, ne peuvent que s’expliquer par le retour à la culture du coton conventionnel. Il demeure convaincu que la solution pour une relance durable de la filière, c’est avec le coton transgénique ou à tout jamais.

Aboubacar Bamouni dit ne s’être pas engagé aveuglement dans la lutte contre la culture du coton conventionnel. Il a engagé sa lutte, dit-il, après une série d’enquêtes sur les raisons de l’abandon du coton Bt.

« Quand l’annonce de l’abandon du coton Bt a été faite, nous avons approché la Sofitex pour comprendre le pourquoi. Son premier responsable d’alors Wilfried Yaméogo nous a fait savoir que la société a un problème de mévente avec le coton Bt dont les fibres se raccourcissent au fil des campagnes. Un argument qui ne nous a pas convaincu car beaucoup de pays produisent le coton Bt mais n’ont pas un problème de mévente sur le marché international. Néanmoins, nous sommes allés vers les chercheurs qui nous ont fait savoir qu’ils peuvent résoudre le problème de la fibre. Mais malgré cela, Wilfried Yaméogo n’a pas voulu nous écouter. C’est plus tard que nous avons compris que le coton à fibre longue recevait une certaine ristourne sur le marché international car cette qualité de coton est utilisée pour la confection de certains tissus spéciaux comme les bazins. Il y a aussi que la production du coton conventionnel demande l’utilisation de beaucoup de pesticides. Or la Sofitex a des marges bénéficiaires sur ces produits qu’elle met à la disposition des producteurs. Donc plus la quantité est énorme, plus la société se fait beaucoup d’argent. Ce sont vraisemblablement les raisons qui ont poussé la Sofitex à imposer le coton conventionnel aux producteurs », déclare Aboubacar Bamouni qui s’insurge par ailleurs contre l’importante quantité de pesticides déversée dans la nature chaque année dans le cadre de la production du coton conventionnel.

Le coton conventionnel et l’utilisation abondante des pesticides en data

CampagnesSuperficies totales emblavées en hectares par campagneQuantités potentielles en litres de pesticides utilisés (superficies totales par campagne × 7 traitements)
2016-2017600 9934 206 951
2017-2018689 8604 829 020
2018-2019469 3313 285 317
2019-2020458 4933 209 451
2020-2021470 4243 292 968
2021-2022514 7343 603 138
Total3 203 835 22 426 845

Source des données : Union Nationale des producteurs de Coton du Burkina (UNPCB)

Selon les statistiques de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB), de la campagne cotonnière 2016-2017 à la campagne 2021-2022, les superficies emblavées dans la zone de production de la Sofitex varient en dents de scie entre 458 493 hectares et 689 860 hectares. Selon l’itinéraire technique établi, le traitement d’un hectare nécessite au moins un litre de pesticide.

Ainsi, les sept (07) traitements exigés dans le cycle de production du coton conventionnel font absorber aux plants de chaque hectare emblavé au bas mot sept (07) litres de pesticide par campagne. Si l’on fait le total des superficies des six (06) premières campagnes du coton conventionnel (voir tableau ci-dessus), l’on obtient en moyenne plus de 3,7 millions de litres de pesticides déversés dans l’environnement par campagne.

En six (06) campagnes de production du coton conventionnel, on a au moins 22,4 millions de litres de pesticides chimiques utilisés seulement dans la zone Sofitex.

Tableau récapitulatif de l’itinéraire technique d’un champ de coton conventionnel à Bodialédaga (campagne 2024-2025)

Si on fait un parallèle avec la production du coton Bt qui n’a besoin que de deux (02) traitements par campagne, on aurait divisé les 22,4 millions de litres de pesticides des six (06) premières campagnes du conventionnel par 3,5. Ce qui aurait donné 6,4 millions de litres de produits chimiques utilisés en six (06) ans. A partir de ces statistiques, il est clairement établi que la production du coton conventionnel impacte la santé des producteurs et pollue l’environnement 3,5 fois plus que la production du coton Bt.


Comparaison des potentielles quantités de pesticides utilisées entre le coton conventionnel et le coton Bt pour les mêmes superficies
Source des données : Union Nationale des producteurs de Coton du Burkina (UNPCB)

 Les conséquences de l’utilisation excessive des pesticides illustrées par le graphique sont évidemment dommageables pour la santé des producteurs et aussi pour les sols et l’environnement.

Sur le plan sanitaire, la fréquence de l’utilisation des produits agrochimiques pour le traitement phytosanitaire des cotonniers expose les producteurs à des risques de maladie à long terme. En effet, au cours de chaque campagne de production du coton conventionnel, chaque producteur doit traiter sa parcelle de production toutes les deux (02) semaines. Or c’est sans protection que la plupart des producteurs burkinabè manipulent les pesticides. Impossible donc pour eux de s’empêcher d’inhaler ces produits. Leur organisme absorbe également ces produits par la peau. La conséquence directe, c’est l’exposition aux maladies respiratoires et/ou sanguines.

Un rapprochement peut être fait entre le risque de maladies graves résultant de la manipulation des pesticides et l’emblématique histoire de Emmy, cette petite fille française de onze (11) ans, décédée en 2022 d’un cancer (leucémie) suite à une exposition prénatale à des pesticides alors que sa mère fleuriste manipulait des fleurs truffées de pesticides. N’ayant pas été exposée directement aux pesticides, c’est pendant la maladie de Emmy que les examens ont démontré que sa maladie avait un lien avec une exposition à des pesticides. Les enquêtes ont permis d’établir ce lien entre sa pathologie et le métier de sa mère. Devant la Cour d’Appel de Rennes, la mère de la petite Emmy a déclaré ceci : « J’ai empoisonné mon bébé ».

Selon une enquête du Monde et de la cellule d’investigation de Radio France sur l’affaire Emmy, cette dernière serait la plus jeune victime reconnue par le Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides de France qui a approfondi les enquêtes sur l’origine de la leucémie aiguë lymphoblastique B (type de cancer de sang) de l’enfant. Le Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides dans son rapport a établi un « lien de causalité entre la pathologie de Emmy et son exposition aux pesticides durant la période prénatale » selon le Journal Reporterre.

La mère de Emmy ne manipulait pas elle-même des pesticides mais son fœtus a été exposé aux effets de pesticides que contenaient des fleurs importées. Dans son enquête, la cellule d’investigation de Radio France sur l’affaire Emmy a fait des révélations de la part de la mère de la victime. « Quand Emmy est née, elle ne pleurait pas. L’anesthésiste nous a dit qu’il y avait un problème avec le placenta, qu’il était carbonisé, tout noir ».

 Pendant le procès de l’affaire Emmy, Laure Marivain, la mère de Emmy, a ajouté qu’à la naissance de la petite fille, « ses bilans sanguins n’étaient pas bon. Une sage femme m’a même demandé si je m’étais droguée pendant ma grossesse ». Alors qu’il a été établi selon le Journal Reporterre que Laure Marivain ne boit pas et ne fume pas. Les rapports de cette femme avec des produits toxiques sont seulement ceux avec les produits chimiques présents sur les fleurs qu’elle a manipulées pendant sa grossesse.

Emmy n’est pas burkinabè certes, mais son cas démontre les effets insoupçonnés des pesticides. De manière indirecte, Laure Marivain s’est exposée et a exposé sa fille aux dangers des pesticides. Ce cas peut trouver écho dans le contexte burkinabè, notamment dans la production cotonnière avec des producteurs qui manipulent de manière directe d’importantes quantités de pesticides sans équipements de protection.

Les pesticides et la santé des producteurs

 Sur le plan sanitaire, l’abondante utilisation des pesticides affecte les producteurs. Professeur Charlemagne Ouédraogo, ancien ministre de la santé du Burkina Faso est spécialiste de la santé de la reproduction humaine. Consulté sur la question, il démontre les effets insoupçonnés de l’utilisation incontrôlée des pesticides.

Inhaler sans y prendre garde, ces produits semblent ne faire aucun effet sur les producteurs. Mais le spécialiste Professeur Charlemagne Ouédraogo alerte sur les dangers silencieux des pesticides sur la santé reproductive des producteurs. Pour l’expert de la santé sexuelle et reproductive, les conséquences néfastes de ces produits chimiques touchent aussi bien les producteurs que les productrices agricoles qui s’y exposent régulièrement ou assez souvent.

Chez les hommes, l’exposition aux pesticides peut entrainer une altération de la fertilité. Le spécialiste précise que les effets des pesticides peuvent diminuer le nombre de spermatozoïdes. Ils sont aussi susceptibles de créer des anomalies aux spermatozoïdes avec une possibilité de réduction de leur capacité de mouvement. La toxicité de ces produits chimiques est, selon Professeur Charlemagne Ouédraogo, un facteur d’altération de l’intégrité génétique des spermatozoïdes (altération de l’ADN spermatique).

Des troubles hormonaux peuvent aussi découler des dangers des pesticides. De ces troubles, il y a la perturbation du système endocrinien notamment les fonctions des organes chargés de la sécrétion et du relâchement des hormones dans le sang. La baisse de la testostérone qui est la principale hormone sexuelle masculine fait également partie des troubles hormonaux qui peuvent découler des effets des pesticides sur la santé humaine. L’exposition chronique aux pesticides peut entrainer chez l’homme des troubles vasculaires ou neurologiques. Ce qui peut être à l’origine d’une dysfonction érectile selon Professeur Charlemagne Ouédraogo.

Un homme qui utilise en abondance les pesticides sans se protéger court le risque des cancers du système reproducteur. Selon le spécialiste, les risques de cancers des testicules, de la prostate ou du sein masculin sont élevés si l’on fait un usage prolongé des pesticides sans la moindre précaution sanitaire.

Chez les femmes, l’exposition aux pesticides peut entrainer des perturbations hormonales notamment des troubles du cycle menstruel (irrégularité ou absence de règles) et aussi une altération de l’ovulation. Certains cas peuvent conduire à l’infertilité de la femme car l’exposition à ces produits agrochimiques sont parfois à l’origine de la diminution de la réserve ovarienne et joue du même coup sur la qualité de la cellule reproductrice féminine communément appelée ovule. A en croire le Professeur, les dangers des pesticides n’épargnent pas les grossesses chez les femmes. L’exposition à de fortes doses de pesticides peut augmenter le risque de fausses couches, provoquer des malformations congénitales, occasionner un retard de croissance intra-utérin et causer une prématurité.

Professeur Charlemagne Ouédraogo, ancien ministre de la santé du Burkina Faso et spécialiste de la santé de la reproduction humaine (Ph. Prise sur sa page Facebook)

Sans précaution dans l’utilisation des pesticides, les femmes qui allaitent peuvent facilement exposer leurs nourrissons à travers le passage de résidus de ces produits toxiques dans le lait maternel. Les pesticides les plus dangereux ont, selon le spécialiste, des effets transgénérationnels. Ils peuvent entrainer, alerte-t-il, des changements dans l’activité des gènes (modifications épigénétiques) et susceptibles d’affecter la descendance. Des situations qui sont en partie à l’origine des malformations génitales chez les enfants garçons et aussi des troubles neuro-développementaux comme les handicaps intellectuels, les troubles de la communication, les troubles du spectre de l’autisme, les troubles moteurs, les troubles spécifiques des apprentissages, etc.

Face à ces risques, le spécialiste en santé de la reproduction conseille aux producteurs agricoles l’utilisation d’équipements de protection individuelle comme les gants, des masques et des combinaisons. Il souhaite aussi que les agriculteurs soient formés à une manipulation sécurisée des pesticides. Pour lui, il est aussi bon que les travailleurs agricoles qui manipulent fréquemment ces produits, bénéficient d’une surveillance médicale régulière. Pour réduire considérablement les risques sanitaires liés à l’utilisation des pesticides, Professeur Charlemagne Ouédraogo invite les producteurs agricoles à réduire l’usage des produits agrochimiques les plus toxiques et promouvoir l’agriculture biologique ou intégrée.

La potentielle menace des pesticides sur les ressources en eau

Sur le plan des ressources en eau, l’abondante utilisation des pesticides par les producteurs dans la culture du coton conventionnel n’est pas sans impact. Ces produits sont de potentielles sources de pollution des eaux de surface et des eaux souterraines.

Pour le traitement phytosanitaire de leurs cotonniers, les producteurs ont besoin d’eau. Pour ceux qui ont la chance d’avoir des cours d’eau à proximité de leur champ, c’est sur leurs rives que se fait le dosage avec des risques de contamination de l’eau. Les emballages de ces produits délaissés dans la nature sont aussi source de pollution des cours d’eau avec le ruissellement des eaux pluviales.

En plus d’être eux-mêmes des déchets plastiques polluants, les emballages charriés par les eaux de pluie, arrivent parfois dans les cours d’eau avec des traces de produits toxiques sur leurs parois.

Moussa Compaoré est technicien supérieur en hydraulique en poste au service des ressources en eau de l’Agence de l’Eau du Mouhoun. Travaillant dans une structure qui lutte contre toutes les formes de pollution aquatique, il affirme que l’un des facteurs majeurs de pollution des cours d’eau, c’est l’utilisation à forte dose des produits agrochimiques notamment les pesticides. Ces produits, insiste-t-il, ont un impact négatif sur les ressources en eau de surface et souterraine.

« Pour ce qui concerne les eaux de surface, les ruissellements sur les berges des cours d’eau charrient ces produits chimiques dans les cours d’eau. L’une des conséquences, c’est la pollution avec l’eau qui se charge de beaucoup d’éléments de substances nocives. Ça entraine la prolifération des espèces aquatiques envahissantes notamment des plantes. C’est la pollution de l’eau qui entraine la naissance de ces espèces dans les cours d’eau. Comme l’eau est un milieu de vie avec les poissons, les batraciens et autres qui vivent à l’intérieur, quand ces plantes apparaissent, ça réduit l’oxygène pour la biodiversité aquatique », Moussa Compaoré explique-t-il les dangers des produits agrochimiques notamment les pesticides sur les cours d’eau.

Il souligne par ailleurs que la menace de la biodiversité aquatique par les pesticides entraine la disparition de certaines espèces aquatiques. Certaines espèces changent de forme pour s’adapter au nouvel environnement.

Moussa Compaoré, technicien supérieur en hydraulique en poste à l’Agence de l’Eau du Mouhoun prévient des risques de pollution des ressources en eau par l’utilisation incontrôlée des pesticides

Selon Moussa Compaoré, la pollution des cours d’eau par l’utilisation incontrôlée des pesticides n’épargne pas la santé humaine. « L’utilisation abusive des pesticides homologués ou non homologués favorise la contamination des eaux de surface. Et l’eau trop chargée dégage souvent des odeurs nauséabondes et entraine parfois des maladies hydriques telles que la diarrhée, le paludisme », foi du technicien.

Ce dernier précise que ce sont les eaux de surface qui sont généralement traitées pour fournir l’eau potable aux populations. Donc si cette eau est polluée ou trop chargée, affirme-t-il, le coût du traitement devient plus cher. « Si l’eau est trop chargée de produits chimiques, ça joue sur le coût de traitement de l’eau de consommation. Cela peut avoir aussi un impact sur la qualité des eaux de forage car il y a une connexion entre les eaux de surface et les eaux souterraines », conclu Moussa Compaoré sur les dangers que les pesticides représentent pour les ressources en eau.

L’impact de l’abondante utilisation des pesticides sur l’environnement

Yacouba Ouédraogo est inspecteur de l’environnement en poste à la direction régionale de l’environnement des Hauts-Bassins. Il corrobore les dires de Moussa Compaoré sur la pollution des eaux de surface et des eaux souterraines par l’utilisation des pesticides. Il souligne que par la pollution de l’environnement, les pesticides peuvent impacter la santé humaine. « Avec le largage des produits agrochimiques, les résidus de pesticides se retrouvent souvent dans nos aliments et cela provoque à long terme des maladies chez l’homme notamment des cancers et d’autres maladies dangereuses », alerte l’inspecteur de l’environnement.

Sur le plan environnemental, la biodiversité est sans nul doute menacée par l’utilisation abusive des pesticides selon Yacouba Ouédraogo. On a la pollution de l’air et la perte insoupçonnée d’une bonne partie de la biodiversité. Pour le spécialiste, l’utilisation abusive et persistante des pesticides entraine la disparition de certaines espèces animales. Ce qui déséquilibre l’écosystème. Par la pollution de l’air, l’abondante utilisation des pesticides participe au changement climatique car la présence de ces gaz dans l’atmosphère a des effets néfastes sur le climat.

Les dangers et risques soulignés par des spécialistes posent le problème de la production du coton conventionnel qui utilise 3,5 fois plus de pesticides que le coton transgénique.

« Il faut des états généraux de la filière coton avec tous les acteurs pour que chacun dise ce qu’il pense sincèrement afin de trouver des solutions acceptables pour tous »

Le conseil des ministres du 19 février 2025 a fait le bilan à mi-parcours de la campagne cotonnière 2024-2025. De ce bilan, il ressort que la production a baissé de plus de 100 000 tonnes, soit 26% par rapport à la dernière campagne. Si on s’en tient à ces chiffres provisoires, la présente campagne n’atteindra pas la barre de 300 000 tonnes. Selon le nouveau directeur général de la Sofitex Bienvenu Paré, la performance de la Sofitex pour la campagne 2024-2025 tourne entre 260 000 et 265 000 tonnes.

Pour lui, la Sofitex se porte mal. « La production de la Sofitex pour la présente campagne est en deçà des attentes. Ce qui veut dire que pour cette année, nous ne pouvons pas atteindre nos objectifs. Si on part sur la base des statistiques, il nous faut pour une production d’équilibre, 380 000 tonnes. Nous sommes en deçà de ce seuil de plus de 120 000 tonnes. Ce qui représente un chiffre d’affaires de plus de 40 milliards de FCFA de moins dans nos prévisions de stabilité. Ça va sans dire que les autres voyants seront au rouge à savoir que nous serons dans des difficultés pour faire face à un certain nombre d’engagements qui pèsent lourdement sur la Sofitex. En bas de 300 000 tonnes après avoir atteint des 700 000 tonnes à une certaine époque, on peut dire qu’on est au fond du trou », déclaration du directeur général de la Sofitex Bienvenu Paré, postée sur la page Facebook de la société le 13 mars 2025.

Selon une source interne à la Sofitex, le problème des contreperformances est profond. Pour notre source, c’est le manque d’innovations dans la filière qui tire la production vers le bas. « Beaucoup de dirigeants de la boîte sont partants pour la retraite dans les trois (03 ou quatre (04) prochaines années. Donc ils ne veulent pas réfléchir pour la future génération. Voilà pourquoi la production a encore chuté cette année », commente notre source.

Une autre source interne nous confie que pour la présente campagne 2024-2025, deux (02) usines d’égrenage sur les quinze (15) que compte la Sofitex n’ont pas fonctionné à cause de la faiblesse de la performance. Il s’agit des usines Bobo 1 et Banfora 2. « Toutes les autres usines ont travaillé même si le temps de travail a considérablement baissé par rapport aux autres campagnes », précise notre source.

Pour notre première source anonyme, « des millions de personnes vivent du coton. Mais on constate que des producteurs et leurs familles sont ruinés après les impayés. Certains préfèrent fuir vers des pays voisins pour éviter de rembourser ce qu’ils ne peuvent pas payer ».

Pour un renouveau de la filière, ajoute-t-elle, « Il faut des états généraux de la filière coton avec tous les acteurs pour que chacun dise ce qu’il pense sincèrement afin de trouver des solutions acceptables pour tous ». Notre source espère par ailleurs un changement de paradigme avec le nouveau directeur général de la Sofitex Bienvenu Paré.

« Tous les producteurs veulent revenir au coton génétiquement modifié compte tenu de ses avantages agronomiques ».

Nikiébo N’Kambi est le président de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso (UNPCB). Face à la pénibilité du travail et aux contreperformance enregistrées par la filière depuis le retour du coton conventionnel dans les champs de coton en 2016, Nikiébo N’Kambi par ailleurs président de l’Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina (AICB) rêve d’une relance durable de la filière.

Ainsi, l’AICB qui regroupe les trois (03) zones cotonnières du pays (Sofitex, Fasocoton et Socoma) a organisé un atelier de concertation des producteurs sur les défis de la production cotonnière le 24 septembre 2024 à Bobo-Dioulasso. L’objectif était de discuter de la pertinence d’un éventuel retour du coton génétiquement modifié en lieu et place du coton conventionnel. 

Au sortir de cet atelier d’échanges entre professionnels de la filière cotonnière, c’est un président de l’UNPCB et de l’AICB rassurant qui s’exprime. Il est conforté dans sa démarche de retour vers la culture du coton génétiquement modifié. « Cette concertation nous a permis de constater que tous les producteurs veulent revenir au coton génétiquement modifié compte tenu de ses avantages agronomiques ».

Le président de la faîtière des producteurs de coton du Burkina détaille ces avantages. « Avec le coton génétiquement modifié, on passera d’une moyenne de six (06) à dix (10) traitements en insecticides à seulement deux (02) traitements. Avec le coton Bt, il y avait même des producteurs qui ne traitaient pas du tout leurs champs et ils récoltaient du coton. Alors qu’avec la variété que nous produisons aujourd’hui, si vous ne traitez pas, vous n’allez pas récolter une seule graine de coton. Vous vous rendrez compte qu’avec le coton génétiquement modifié, on traite peu ou on peut même ne pas traiter. On gagne ainsi du temps qu’on peut utiliser pour faire autre chose. Faire moins de traitements est bénéfique pour le producteur qui portera moins de produits insecticides sur le dos. En plus de ces avantages, les rendements du coton génétiquement modifié à l’hectare étaient évalués à plus de 30% d’augmentation par rapport au conventionnel. On peut retenir que le coton Bt préserve l’environnement par la faible utilisation d’insecticides », Nikiébo N’Kambi en est-il convaincu.

Les produits OGM aussi dangereux que l’abondante utilisation des pesticides !

A la question de savoir si les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont une bonne alternative à l’abondante utilisation des pesticides en agriculture comme par exemple le coton Bt qui a été expérimenté au Burkina Faso de 2008 à 2016, l’inspecteur de l’environnement Yacouba Ouédraogo s’est montré sceptique.

Pour lui, la production des spéculations agricoles génétiquement modifiées représente aussi un gros danger pour l’environnement au même titre que les variétés conventionnelles qui font recours aux pesticides de manière excessive. « Il faut dire que les organismes génétiquement modifiés comportent des produits chimiques incorporés. Ils ont donc un impact sur l’environnement autant que les pesticides que les producteurs utilisent. A long terme, ces produits agissent sur la biodiversité car ils sont sources de disparition de certaines espèces », l’environnementaliste lève un coin de voile sur les potentiels dangers des variétés agricoles génétiquement modifiées qui donnent l’impression d’être une heureuse alternative à l’abondante utilisation des pesticides dans la production agricole.

Yacouba Ouédraogo, inspecteur de l’environnement alerte sur les dangers des pesticides chimiques et des variétés agricoles génétiquement modifiées pour l’environnement

Yacouba Ouédraogo, inspecteur de l’environnement alerte sur les dangers des pesticides chimiques et des variétés agricoles génétiquement modifiées pour l’environnement.

Pour Yacouba Ouédraogo, l’utilisation des OGM dans l’agriculture présente bien plus de dangers insoupçonnés contrairement à ce que pensent bon nombre d’acteurs comme le président de l’UNPCB, Nikiébo N’Kambi et beaucoup d’autres producteurs de coton.

Ces organismes qui ont de la toxine incorporée dans leur gène créent à long terme des résistances chez certains insectes et chenilles nuisibles. Ce qui entraine le recours à des produits chimiques plus toxiques pour les combattre.

Et l’utilisation de ces produits agrochimiques à forte dose de toxicité représente selon Yacouba Ouédraogo des dangers pour l’humain, la biodiversité et l’environnement de façon globale.

C’est pourquoi, le spécialiste de l’environnement souhaite que les producteurs agricoles se tournent vers l’utilisation des produits biologiques tels que les biofertilisants et les biopesticides dans leurs exploitations agricoles. C’est, dit-il, la meilleure pratique agricole qui est durable et qui impacte peu l’environnement.

Du haut des précisions de Yacouba Ouédraogo, l’on peut retenir que l’abondante utilisation des pesticides dans la production du coton conventionnel tout comme la production du coton Bt avec peu de pesticides, représentent toutes deux (02) des dangers certains pour l’environnement, la biodiversité et la santé humaine. Produire donc le coton conventionnel ou produire le coton Bt constituent une sérieuse menace pour l’environnement.

Ce qui galvanise certains producteurs que nous avons touchés pour la culture du coton Bt, c’est la facilité dans la production avec des intérêts économiques élevés. Mais sur le plan environnemental, la production du coton Bt n’est pas sans conséquence selon le spécialiste de l’environnement. Cette variété pourrait peut-être se présenter comme le moindre mal puisqu’elle semble être au moins beaucoup plus rentable pour les producteurs.

Pour équilibrer les informations reçues des différentes sources sur la baisse de la production cotonnière et dont certaines accusent parfois la Sofitex, nous avons adressé un courrier à la société pour avoir sa réaction. Après des relances, nous n’avons pu obtenir de réponses.

En tout cas, le constat est que depuis le retour du coton conventionnel dans les champs de coton en 2016, la filière cotonnière burkinabè bat de l’aile campagne après campagne. De ces contreperformances successives, cette filière présente toute l’apparence d’une mine d’or mal exploitée. Et ses principaux acteurs notamment les producteurs ont la forte conviction que le coton conventionnel est une variété à écarter ou à corriger génétiquement pour une relance durable de la production cotonnière au Burkina Faso. En attendant, le secteur du coton, citadelle de l’économie burkinabè agite le spectre d’un effondrement imminent.

Abdoulaye Tiénon/Ouest Info

tienonabdoulaye@yahoo.fr

La rédaction
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Ouest Info est un média en ligne basé à Bobo-Dioulasso dans la région de l’Ouest du Burkina Faso.

2 Commentaires

    • Salut. Merci pour la contribution. Il semble que le coton biologique est difficile est à produire. Du coup, on ne peut pas produire en quantité. Ce son des dames qui cultive cette variété dans la localité de Pâ.

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