Au Burkina Faso, les 30 et 31 octobre 2014 ont été marqués par une série de manifestations populaires qui ont mis fin au pouvoir de l’ancien président burkinabè Blaise Compaoré. De Bobo-Dioulasso à Ouagadougou en passant par Banfora et Ouahigouya, toutes les grandes villes du pays avaient été en ébullition. Dix (10) ans après, les souvenirs de ces événements historiques restent intacts dans l’esprit de plusieurs Bobolais. Entre satisfaction et regret, les avis sont partagés à Bobo-Dioulasso.
Moussa Traoré, leader de la société civile : « Jusqu’ aujourd’hui cet éveil de conscience se poursuit avec la veille citoyenne »
Etant l’un des leaders de l’insurrection populaire, j’avoue que je ne regrette rien du tout 10 ans après. Nos préoccupations premières étaient l’éveil des consciences de la population sur les dangers qui planaient sur le pays. Les autorités de cette période voulaient modifier la constitution en son article 37 pour se maintenir au pouvoir et la mise en place du sénat en passant par un référendum que nous avons estimé inutile et budgétivore. Jusqu’ aujourd’hui cet éveil de conscience se poursuit avec la veille citoyenne. Donc je suis quant à moi satisfait d’avoir mené cette lutte.
Emmanuel Yaro, Elève-Greffier en stage au Tribunal Administratif de Bobo-Dioulasso : « Ce fut le top de départ de la prise de conscience du peuple Burkinabè »
10 ans après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre, c’est une satisfaction à notre sens. Parce que ce fut un top de départ de la prise de conscience du peuple Burkinabè pour construire son avenir et rompre avec un système qui ne favorisait pas le développement.
NACÉ OUATTARA Assita, leader de la société civile : « je ne le regrette nullement »
Dix (10) ans après, je ne le regrette nullement car l’insurrection est un refus de l’injustice et de la mal gouvernance. Elle a contribué à l’évolution des mentalités des Burkinabè et à une prise de conscience collective.
Daouda Kambé Ouattara, président national du mouvement citoyen Y’EN A MARRE/BF : « Il n’y a pas de raison de regretter l’insurrection populaire d’octobre 2014 »
Il n’y a pas de raison de regretter l’insurrection populaire d’octobre 2014. Quand on la sait héritière de la révolution démocratique et populaire, donc mère du MPSR 2. L’insurrection d’Octobre 2014 à laquelle a activement participé notre mouvement, est l’aboutissement d’un rêve, la fin du pouvoir d’un homme. Les pro-sankaristes marquaient ainsi le retour d’une politique de développement endogène estompée un 15 Octobre. Vu sous cet angle, dix (10) ans après, la satisfaction est totale pour qui se reconnait dans la lutte de longue haleine annoncée par le père de la révolution d’alors. « Tuez Thomas SANKARA, huit autres millions de Sankara naîtront ; à sa suite Capitaine IB devrait confirmer : « tuez IB, vingt millions d’autres burkinabè naîtront pour prendre le flambeau ». C’est dire que la dignité et l’intégrité du Burkina Faso n’est pas à négocier. La zone d’ombre après l’insurrection populaire que d’aucuns voudraient considérer comme un regret, (le passage à vide des gouvernances pseudo-démocratique comme le MPP et le MPSR 1) desquelles nous retenons qu’à quelque chose malheur est bon témoigne de l’échec de la démocratie à nous imposer. Elle finit de nous convaincre que seule le peuple peut accompagner ses dirigeants à la conquête de la liberté et du progrès. Nous venons de commémorer le 30 septembre 2024, l’an 2 de la Révolution Démocratique et Populaire « » appelé à tort an 2 du MPSR 2.
Salif Ouedraogo, acteur de la société civile : « La suite des événements me permet de dire qu’il y a plus de regret que de satisfaction »
La suite des événements me permet de dire qu’il y a plus de regret que de satisfaction. Parce qu’après l’insurrection populaire, il y a une classe politique que j’appelle généralement les usufruitiers des événements de 2014 qui sont revenus avec les mêmes pratiques qu’on a combattues en 2014. Donc finalement c’est comme si rien n’avait été fait. Et aujourd’hui si j’essaie de faire une introspection, je retiens de toute cette insurrection, la satisfaction morale qui est le premier acquis pour moi parce qu’il y avait une famille qui n’était plus dans la démocratie mais plutôt dans une ploutocratie qu’on avait balayée en 2014 lors de l’insurrection. Le second acquis est qu’on ait réussi à sacraliser l’article 37 de sorte à le ranger au rang des articles intangibles. Ce sont pour moi les principaux acquis issus de l’insurrection de 2014.
Quant à la gouvernance issue de l’insurrection, elle n’est pas différente de celle qu’on a connu avant l’insurrection. Le but du soulèvement populaire était d’opérer des changements. Les coups d’État ont refait surface après que les gens aient remarqué à un moment donné que les changements souhaités par la population n’avaient pas été respectés. Et nous qui étions sortis pour mettre fin à une longévité au pouvoir, nous sommes encore les mêmes à sortir occuper les espaces pour demander une longévité des militaires au pouvoir. Il y a comme une contradiction dans nos agissements.
Franchement je trouve que ceux qui ont pris le pouvoir après l’insurrection de 2014 n’ont pas pris la pleine mesure de la situation en opérant les changements qui ont inspiré ce peuple à aller dans la rue les 30 et 31 octobre 2014. Aujourd’hui si les militaires sont intervenus dans l’arène politique, c’est parce que les civils et les politiques ont montré leurs limites. A la suite du coup d’État de Paul Henri Sandaogo Damiba survenu en janvier 2022 ; celui du capitaine Ibrahim Traoré a contribué à opérer des réformes. Tout cela suite à l’insurrection populaire de 2014 et parce que les politiciens ont montré leurs limites. Aujourd’hui ces politiciens se comptent du bout des doigts dans le pays. Alors que pendant l’insurrection ce n’était pas ce, à quoi nous nous attendions. Et maintenant les gens nous amènent à légitimer les coups d’État. Même si tout n’est pas parfait, on ne peut pas nier les réformes entreprises dans plusieurs domaines de nos jours. Tout cela doit être placé à l’actif de l’insurrection populaire parce qu’il a fallu qu’il soit, et que les partis politiques de l’époque montrent leurs limites avant d’aboutir aux coups d’État.
Pour moi, c’est un regret que nous replongeons encore dans ce schéma. Si les autorités héritières du pouvoir d’après l’insurrection avaient compris les enjeux du peuple Burkinabè, on n’en serait pas là. Malheureusement, ils sont la source de tout ce que nous vivons aujourd’hui avec le retour au pouvoir des militaires, parce qu’ils ont montré leurs limites.
Pour moi, je n’ai pas à regretter l’insurrection, plutôt ceux qui ont pris le pouvoir après l’insurrection. Ceux que j’appelle des usufruitiers des événements des 30 et 31 octobre 2014. Il n’y a aucun acquis que nous pouvons brandir haut et prétendre l’avoir obtenu après l’insurrection. Mais aujourd’hui des réformes ont été opérées. Même s’il y a à redire dans certains domaines, il y a quand même des points de satisfaction à d’autres niveaux.
Leïla Korotimi Koté et Ackim Traoré (stagiaire)/Ouest Info