Un groupe de jeunes se démarque à Bobo-Dioulasso à travers des prouesses qu’ils font dans le domaine de la photographie. Partis d’une simple passion, ce métier qu’ils exerçaient comme passe-temps à l’époque est progressivement devenu leur gagne-pain. Ils ont attribué le nom « Burkinaba Studio » à leur jeune entreprise. Le 15 décembre 2023, Ouest Info est parti à leur rencontre au quartier Ouezzinville de Bobo-Dioulasso.
Tout est parti de Jonathan Toé, un jeune passionné par la photographie. Fasciné par des belles images, il utilisait au début un téléphone portable pour capturer des photos et publier sur les réseaux sociaux. En 2018, il en a marre du téléphone et souhaite passer à un appareil photo numérique.
C’est ainsi, qu’il commence à solliciter l’appareil photo d’un de ses oncles. « Avec cet appareil, je me rendais à Bobo 2010 et je capturais les images juste pour le plaisir. C’était tellement intéressant et les gens admiraient beaucoup les images. J’ai donc vu en ça, une opportunité de me faire de temps à autre de l’argent de poche. Ainsi, j’ai commencé à prendre des photos moyennant une petite somme », explique Jonathan Toé.

Convaincu maintenant que la photographie peut nourrir son homme, Jonathan décide d’approcher un ami qui l’aide à acquérir un appareil professionnel avec tous les accessoires au complet. Mais dans le contrat, le jeune photographe devait rembourser la valeur de l’appareil au fur et à mesure.
L’arrivée des amis
En fin 2019, ses amis Jean Yves Bayala, Joseph, Abass, décident de se rejoindre à l’aventure. Ensemble, ils créent officiellement « Burkinaba Studio » en 2020. « Après la création de l’entreprise, nous nous sommes formés et nous avons commencé à nous faire connaître. Pour cela, nous avons commencé à faire des photos à prix réduits. De bouches à oreilles et de recommandations en recommandations, Burkinaba Studio a commencé à bien se faire connaître du public », indique Jonathan.
Pour avoir plus d’appareils, il explique. « Après l’exécution d’un marché, à l’unanimité, nous décidions d’économiser un certain montant. C’est cet argent que nous avons utilisé pour acquérir plus d’appareils professionnels. Mais les accessoires de photographie sont très chers. Donc nous n’avons pu avoir que deux appareils professionnels », explique-t-il.
Au début c’était pour publier sur les réseaux sociaux
Abass Sérémé, affirme que son intégration à Burkinaba Studio a été brusque. « Nous avions l’habitude de faire des photos juste pour publier sur les réseaux sociaux. Un jour, Jonathan m’a apporté un appareil photo. Il m’a montré les rouages et il m’a directement demandé d’aller filmer un événement. Je n’étais pas trop au top, mais au final j’ai réussi à gérer. C’était ainsi parti », déclare Abass.

Au sein de Burkinaba Studio, il y a diverses compétences. Certains font des shoots photos, d’autres sont videastes. Il y a également un opérateur drônes. Lui, il se charge de capturer les images et vidéos des événements en pilotant les drônes.
Une référence dans le domaine photographique à Bobo
Aujourd’hui, l’équipe de ces jeunes photographes est pratiquement invitée à tous les grands événements de Bobo-Dioulasso et d’ailleurs. « Nous couvrons les mariages, les baptêmes et toutes autres formes d’activités publiques. Souvent nous sommes même sollicités par des ONG », confie Jonathan.
Selon lui, une seule couverture d’événement peut apporter entre 150 et 400 000 FCFA. Tout cet argent, les jeunes photographes économisent une partie et injectent le reste dans leurs besoins et les dépenses de l’entreprise.
Selon Jonathan, la photographie est un métier qui nourrit bien son homme. C’est pour ça, dit-il, qu’il a décidé d’abandonner les études pour se concentrer sur l’entreprise. Contrairement à Jonathan, Abass lui, arrive toujours à concilier école et photographie. Il poursuit ses études en Énergie solaire.
Ils accueillent des stagiaires
Lookmane Kouraogo est étudiant en première année d’informatique à l’Université Nazi Boni de Bobo-Dioulasso. Il a sollicité un stage chez Burkinaba Studio afin d’apprendre les montages vidéo.

« Nous avons fait la terminale avec Jonathan. Je voyais ses images et tout ce qu’il faisait dans la photographie. Je l’ai approché cette année pour savoir si je pouvais rejoindre leur équipe afin d’apprendre ce métier. Il a accepté donc je suis là », soutient Lookmane. Il dit être fier de travailler au sein de cette équipe de jeunes dynamiques et talentueux.
Les difficultés sont multiples
Selon les membres de Burkinaba Studio, le métier de la photographie a plusieurs difficultés. Surtout pour les jeunes. « Il y a beaucoup qui profitaient de notre naïveté. On faisait le travail et après pour le payement, c’est compliqué. Donc on a décidé de mettre un contrat en place. Jusqu’à présent les gens nous doivent. Si nous devons compter les crédits, c’est trop », déclare le manager de Burkinaba Studio, Jonathan Toé.
Comme autre difficulté de ce métier, il faut noter que les jeunes font aussi face à plusieurs types de personnes. « Il y a des gens qui nous donnent des confirmations pour des événements. Aux derniers jours, ils nous disent qu’ils n’auront plus besoin de photographe. C’est une difficulté car il y a des marchés qu’on avait laissé tomber afin de couvrir leurs événements », regrette Jonathan.
Aussi, le manque de moyens financiers pour l’acquisition de plus de matériels constitue une entrave pour Burkinaba Studio. « Nous sommes souvent obligés de louer des matériels pour honorer certaines de nos commandes. Si on avait nos propres matériels, on pourrait gagner plus », ajoute le CEO.

Pour Abass Sérémé, une autre difficulté est le fait que les clients n’aiment pas patienter. Ils veulent, dit-il, leurs photos juste après les événements, mais c’est compliqué car nous avons trop de travail et nous faisons même des nuits blanches. Abass les appelle à être plus compréhensifs et à respecter les délais de livraison qui leurs sont fixés.
Des moments forts
Malgré les difficultés, la photographie est un beau métier et les moments forts sont récurrents dans ce métier. « Une fois, je devais couvrir un mariage dans un village de la Boucle du Mouhoun. Dans les précipitations, j’ai pris un appareil photo qui n’avait pas de carte mémoire. C’est sur place que je me suis rendu compte de cela. C’était l’embrouille. J’ai dû improviser et chercher une petite carte mémoire de 4 gigas qu’on m’a vendu cher. Là, j’ai fait semblant de prendre des photos à la mairie alors qu’en réalité c’était des vidéos que je faisais. A la suite j’ai fait des captures d’écrans des vidéos et j’ai traité les photos. Au finish ç’a marché et c’était vraiment une belle aventure », se rappelle encore Abass. Selon lui, ces circonstances sont récurrentes chez les photographes.
Ils ont besoin d’un coup de pouce
L’histoire de Burkinaba Studio enseigne que la passion peut conduire à bon port. Partis d’un simple fait de divertissement, ces jeunes sont aujourd’hui responsables et autonomes.
En plus des couvertures photos et vidéos, ils ont d’importants matériels de photographie qu’ils vendent aux autres photographes de la région des Hauts-Bassins. Ils ne demandent qu’un petit coup de pouce pour réaliser leurs rêves.
Léandre Sosthène SOMBIE/collaborateur Ouest Info