A Bobo-Dioulasso les cimetières sont remplis par des vivants alors que les morts eux n’ont même de place pour leur dernière demeure. Il y a qu’à faire un détour au cimetière municipal pour compter le nombre très élevé de places qui ont été réservées par les riches; la plupart des cas, pour leurs familles entières. Les pauvres n’ont d’yeux que seulement pour observer la concurrence que se font les familles aisées pour acheter l’espace du cimetière qui du reste, est déjà presque fini.
Par essence et que dis-je, par décence, le cimetière c’est d’abord pour les morts. Cependant, un phénomène est en train de se développer dans la commune de Bobo-Dioulasso: l’on assiste aujourd’hui à une certaine monopolisation des cimetières. Tenez par exemple: le cimetière municipal qui est situé à la sortie nord de la ville, sur la route de Bama, semble déjà se remplir, parce que certaines personnes y ont déjà enterré leur fantôme alors qu’elles-mêmes sont encore en vie.
En général, se sont des personnes riches qui, par anticipation de leurs obsèques, vont acheter des espaces qu’elles réservent, souvent pour tous les membres de leur famille.
Après les parcelles d’habitation que d’ailleurs certaines personnes possèdent par centaines, c’est finalement cette tendance à accaparer les cimetières qui se développe. Il suffit de prendre une allée dans ce cimetière pour constater qu’il y a plusieurs superficies encadrées et dans lesquelles il y a toujours une plaque pour indiquer: »Famille untel ».
La situation est assez préoccupante dans la mesure où les places sont presque finies dans ce cimetière. Pourtant ses occupants sont encore en vie.
C’est d’ailleurs pourquoi l’on continue d’enterrer certaines personnes dans l’ancien cimetière municipal alors que celui-ci est officiellement fermé depuis. Même si le conseil municipal a pris un arrêté portant interdiction des réservations de tombes dans les cimetières en 2014, il y a comme un laxisme dans l’application de cette décision.
Même si ces gens sont riches et sont dans leur droit d’acheter leurs tombes avant leur décès, l’autorité devrait aussi songer à un mécanisme pour limiter la taille des tombes réservées. D’ailleurs, pourquoi ne pas aussi penser à des caveaux, à des tombes pour plusieurs?
C’est immoral. Et il faut réaliser que la terre même manque énormément aux populations, pour imaginer que chaque fois il faut trouver des lieux pour construire des cimetières. Autrement, à la longue, il sera difficile de trouver une demeure mortuaire pour les pauvres.
A défaut d’avoir une parcelle pour habiter de son vivant, le pauvre devrait au moins avoir une tombe, même décente, au cimetière. Car pour question de dignité humaine, tout le monde devrait avoir une dernière demeure.
Wouroudini Sanou