Face à la concurrence des pneus importés, la Société Africaine de Pneumatique (SAP Olympic), spécialisée dans la production de pneus et de chambres à air au Burkina Faso, est menacée de fermeture.
Le Burkina Faso a un marché potentiel de plus de 10 millards de FCFA par an en matière de pneumatique et de chambre à air.
Ce chiffre est supérieur au chiffre d’affaire annuel actuel de la Sap qui s’évalue à moins de 4millards de FCFA. C’est donc dire que le marché existe.
Cependant, la société rencontre d’énorme difficulté à écouler sa production. « Actuellement, nous sommes à 1,2 milliards de stocks de pneumatiques, chambres à air tout confondu que nous n’arrivons pas à vendre. Nous avons organisé pour cela, des opérations de vente promotionnelles où nous avons été obligés de casser les prix. Parfois, même on vend certains produits en dessous de leurs prix de revient, juste pour pouvoir faire de la trésorerie pour alimenter nos caisses afin de permettre à l’entreprise de pouvoir fonctionner à minima. Mais malgré tout, ça ne va toujours pas. Nos produits ne s’achètent pas sur le marché » a déploré, Niaoné Hayouba, directeur général de la SAP.
D’une étude commanditée par la société selon son DG, il ressort que « la part du marché national des pneus produits à la Sap Olympic est 3% contre 27% pour chambres à air » et ce, malgré les efforts de celle-ci pour s’équiper en vue de répondre aux exigences du marché. « Nous nous sommes équipés afin de pouvoir faire des produits de qualité, et à moindre coût. Nous avons investi de 2011 à 2017, 1,3 milliards de FCFA dans l’acquisition de machines non seulement performantes mais aussi et surtout, non gourmandes en consommation d’énergie afin d’avoir des produits relativement moins cher mais aussi adaptés aux engins. Mais rien » a-t-il ajouté.
La fraude, le mal de la SAP
Cette situation selon le DG, est la conséquence de la concurrence des pneus importés dont fait face la SAP. « Nous sommes une entreprise qui s’acquitte de toutes ses obligations fiscales et sociales. Pendant ce temps, il ya des gens qui font rentrer les mêmes produits que vous sans payer aucune taxe douanière. Aussi, ils vendent sans prélever la TVA qui fait 18%. Donc vous vous retrouvez avec les concurrents qui ont frauduleusement fait une marge de compétitivité de 63 à 65% que vous n’avez pas. On ne peut pas les concurrencer sur ce plan » a-t-il expliqué.
Face à cette situation, le DG de la SAP craint pour la survie de cette entreprise qui emploie plus de « 280 personnes ». « Si rien n’est fait pour pouvoir placer les produits sur le marché, c’est grave. D’année en année, la part du marché de la SAP ne fait que réduire. Une entreprise qui produit et qui n’arrive pas à vendre, sera tôt ou tard, obligée d’arrêter sa production. Même si elle veut continuer, elle peut être handicapée par ses fournisseurs de matières premières pour raison de factures impayées. Les créanciers ordinaires et les banques pourraient ne plus nous accompagner. Au cours de l’année 2016 et 2017, cette tendance s’est observée chez nous ; les concours accordés sont de moins en moins importants car notre capacité de remboursement est faible du fait de la mévente de nos produits » s’est-il lamenté avant de couper court : « Si rien n’est fait, nous risquons de fermer portes ».
Le geste « salvateur » du ministère du commerce
Cette situation de détresse des industries en générale et de la SAP en particulier n’a pas laissé le ministère du commerce indifférent. Ainsi, en octobre 2018, le ministère a fait adopter un décret qui institue désormais les pneumatiques des engins à deux roues parmi les produits soumis à une autorisation d’importation.
« Salvateur », ce décret devrait permettre de réglementer le secteur des pneumatiques. « Depuis un certain temps, le ministère de commerce nous donne de l’espoir à travers des actions. Parmi ces actions, l’inscription des pneus et des chambres à air pour deux roues entre sur la liste des produits soumis aux importations. Il ya aussi la constitution ou l’institution des brigades mobiles de commerce qui mènent déjà des actions sur le terrain. Ces actions sont prometteuses. C’est une première au Burkina Faso. Et c’est à saluer » a loué le DG de la SAP.
Tout en saluant ces décisions dites courageuses, le DG émet cependant des réserves quant à l’application de ce décret sur le terrain. « L’action est salutaire. Notre souhait maintenant, est que le ministère ne relâche pas et qu’il mène sa mission comme il l’entend » espère-t-il.
Madi